Jeanne de Comborcière

On connaissait Sitges et Mykonos, repaires de tous les clichés des vacances gays méditerranéennes : huile solaire, corps glabres et musclés, nuits en discothèques… On imagine moins aisément des homos en boots, les lèvres blanches de stick anti-gerçures se régalant d’une fondue savoyarde non loin de la cheminée. Et pourtant, ils existent ! Vous pourrez les rencontrer à 1850 mètres d’altitude chez Florence, dans son refuge de montagne humblement baptisé Principauté de Comborcière.

Pourquoi avez-vous créé le refuge de Comborcière en 1999 ?
Comme beaucoup de gays, je suis partie assez jeune à Paris, pour vivre plus facilement ma sexualité. Quand j’en ai eu marre de la capitale, je me suis dit que j’allais reprendre l’hôtel de Comborcière pour recevoir des gays et des lesbiennes comme moi ; je n’avais pas envie de vivre dans un univers exclusivement hétérosexuel. Je me suis donc installée à Combo, la maison dans laquelle j’ai grandi et où régnait déjà une ambiance de folie.

Vous dites souvent qu’il s’agit de la seule station, voire même du seul hôtel 100% gay au monde…
Oui, mon projet était de faire vivre ensemble, pendant sept jours, des personnes homosexuelles. Dans un bar, on fait des rencontres rapides, ici les gens ont le temps de se parler, d’échanger et de mieux se connaître. Et puis il arrive encore fréquemment que des homosexuels se retrouvent en couple dans un hôtel en face de soixante personnes qui font les gros yeux. Même si je suis contre le communautarisme, cela me paraît encore nécessaire d’avoir un lieu spécifique, dans lequel on peut se retrouver entre nous. Mais j’espère qu’un jour mon hôtel n’aura plus lieu d’être.

Comment l’installation de cet établissement inédit a-t-elle été perçue ?
Avec la station de la Toussouire, située juste en dessous de l’hôtel, les rapports sont à peu près bons. Notre présence a même constitué une ouverture, cela a amené les gens d’ici à voir autre chose. Commercialement, les quatre premières années ont été très dures. On a fait beaucoup de sacrifices au début en refusant les hétérosexuels. Aujourd’hui, ça marche plutôt bien, on a enfin la tête hors de l’eau. Un projet de résidence immobilière 100% gay est même en développement. Par ailleurs, une partie des recettes est reversée à des associations d’aide à l’enfance. À mon avis, si on veut vraiment qu’un jour cela se passe bien entre hétéros et homos, il faut commencer par les petits car les vieux, on ne parviendra jamais à les changer.

Que viennent chercher les gens chez vous ?
À Combo, on arrive et on rejoint immédiatement une sorte de famille, cela crée des liens, des réseaux. Beaucoup de Parisiens vont dans les backrooms et ne rencontrent personne. Ici, les gens vont skier ensemble, se retrouvent dans le sauna, autour d’une fondue savoyarde…

Vous considérez-vous comme militante de la cause gay ?
Je suis catastrophée à 40 ans d’être une femme gay, de payer mes impôts en France et de ne pas pouvoir avoir d’enfant, d’être obligée d’aller en Belgique pour une insémination ou encore qu’un homme gay ne puisse pas obtenir le droit d’adopter. Je revendique simplement des droits similaires pour tout le monde. La justice me tient énormément à cœur. Avec mes petits moyens, j’ai encore envie de me battre. Comborcière est un geste très fort ; en montagne, les noirs, les beurs, les juifs et les homos sont encore souvent très mal vus ; il faut être un peu Jeanne d’Arc, il faut être un peu fou pour changer les choses dans cet environnement !

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