Vers « l’externalisation de l’asile »

Claudie Lesselier milite au sein du Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées (RAJFIRE). Elle nous donne quelques précisions sur le droit d’asile et son sentiment sur l’attitude des États européens.

La reconnaissance du droit d’asile pour les femmes et pour les personnes homosexuelles est très récente ; pourquoi ?
Claudie Lesselier: C’est plus exactement la reconnaissance des femmes comme un groupe social au sens de la convention de Genève qui est récente. Au terme d’une série de décisions de la Commission de Recours des Réfugiés, des personnes ont été reconnues persécutées au motif de leur transsexualité, de leur homosexualité puis enfin de leur genre. C’est en 2001 qu’est accordé pour la première fois l’asile à un couple malien ayant refusé de soumettre sa fille à la pratique de l’excision. Par ailleurs, une autre question essentielle dans la reconnaissance du droit d’asile est celle de l’auteur des persécutions. En France, on avait tendance à l’accorder que dans les cas où les persécutions étaient le fait de l’état. Or, dans les cas des violences exercées à l’encontre des femmes ou des homosexuels, il s’agit souvent du fait de la communauté. En réalité, la Convention de Genève dit que pour obtenir le statut de réfugié, on doit ne pas être en mesure de se réclamer de la protection de son État.

Le problème du traitement des femmes et des homosexuels pose la question du relativisme culturel…
Oui, cette question est au cœur du débat politique et intellectuel sur l’asile. Le relativisme culturel est très souvent présent de manière implicite dans l’évaluation des demandes d’asile ; cela peut conduire à sous-estimer les contraintes qui pèsent sur les demandeurs, les difficultés qu’ils connaissent pour échapper à l’oppression. En ce qui concerne l’homosexualité, la difficulté est d’évaluer la situation des demandeurs dans leur pays : on regarde pour cela le niveau de répression à leur égard, si l’homosexualité est sanctionnée dans le code pénal… L’OFPRA examine chaque affaire au cas par cas.

L’OFPRA est-elle une institution indépendante ?
L’OFPRA est sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et depuis peu sous celle du ministère de l’immigration. Ses dirigeants sont des hauts fonctionnaires liés au pouvoir politique. Ils ont assimilé l’idée que la majorité des demandeurs d’asile seraient des faux demandeurs d’asile. Cette thématique des faux réfugiés est arrivée dans les années 80, alors que le nombre de demandes augmentait.

Existe-t-il une politique européenne du droit d’asile ?
Une disposition européenne indique que dans l’espace Schengen, l’asile doit être demandé dans le premier pays que le réfugié traverse. C’est donc en général en Pologne, en Grèce ou en Italie que sont faites les demandes. On assiste à une véritable politique d’externalisation de l’asile, à la création d’un bouclier, qu’on est entrain d’étendre à l’Afrique du Nord en signant des accords avec le Maroc et la Tunisie notamment. Le traitement des demandes par l’OFPRA arrive vraiment en fin de chaine. C’est là que se situent les plus importantes difficultés.

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