Trou romance

Pas évident de dissocier le golf de l’image d’une société qui exclut. Mais après tout, manger est aussi devenu extrêmement discriminant, alors…

Et puis un jour, un pote débarque chez vous et dit : «Je t’emmène au golf». Pas vraiment le choix. Vous vous préparez en vitesse, mettez la main sur vos lunettes et vos clopes mais prenez bien soin d’oublier idéaux et sens critique. Une fois arrivés sur place, ledit pote vous donne du matériel, vous emmène vers le practice, vous briefe sur la position (ridicule, soit dit en passant), le balancier des épaules, etc. Et là, l’horreur : c’est trop bon ! Vous êtes un social-traître, peut-être, mais vous vous en foutez déjà. Vous êtes au calme, vous arrivez à vous concentrer, ce qui est essentiel et déjà une sensation agréable en soi. Et, malgré un swing guère académique, vous réussissez à taper la balle : jubilatoire. De retour sur terre, il va falloir trouver des arguments pour légitimer ce plaisir coupable. Et l’on vous parle de «démocratisation du golf». Le golf serait, à l’image du tennis il y a une vingtaine d’année, en train de s’ouvrir. À noter que les deux périodes coïncident avec l’émergence, dans chacune des deux disciplines, d’un joueur noir : Yannick Noah puis Tiger Wood. De là à penser que l’opinion en ait tiré une conclusion du genre : «Si eux peuvent le faire, tout le monde peut le faire»… Enfin, quand on dit «tout le monde», il faut entendre «classes moyennes». Difficile d’abolir un tel passif culturel et plus ardu encore de se payer un abonnement à 900 euros l’année (mais qui monte souvent à plus de 3000) quand on touche le smic. Alors, un autre golf est-il possible ? Moui. Décathlon a lancé sa gamme de matériel pas cher, un seau d’une trentaine de balles au practice coûte 2 ou 3 euros ou même un green fee (accès au terrain sans abonnement) revient, dans certains endroits, au prix d’un bon resto. Les «démocratiseurs» assurent que si l’on compte les assurances, il est moins dispendieux d’inscrire son enfant au golf qu’au rugby. Il est donc possible de s’en sortir, si l’on n’a pas envie de jouer trop régulièrement et si possible loin des grandes villes, infestées de bourgeois qui font exploser les tarifs. Il faut toutefois souligner que le golf est l’un des rares jeux à ne générer aucune discrimination d’âge ou de sexe. Ce qui fait du golf un vrai sport universel. Pour les riches.

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