Biennale de la Danse : Coups de rétroprojecteur

Retour en avant : un titre en forme de programme pour la Biennale de la Danse 2008, qui explore le répertoire contemporain tout en donnant la parole à de jeunes créateurs.

Il y a tout juste vingt ans, Dominique Bagouet créait les Petites Pièces de Berlin (photo). Seize années après la mort du chorégraphe, elles sont recréées par le Ballet de Lorraine. Bagouet pourrait être le parrain de cette Biennale, qui veut poser la question de la mémoire chorégraphique et de la préservation d’œuvres forcément immatérielles. En effet, après sa disparition, l’association les Carnets Bagouet est fondée, avec pour mission la transcription et la transmission de son œuvre et par conséquent de toutes les autres. Transmission encore, avec «Retour en avant», la Biennale emprunte son nom à une pièce de la compagnie Hallet Eghayan, qui ouvrit l’édition de 1984. Dans la droite ligne de ces questionnements, Carolyn Carlson confie son solo Blue Lady au très talentueux Finlandais Tero Saarinen, Susanne Linke reprend Schritte Verfolgen et Anne Collod retravaille avec Anna Halprin un des spectacles scandaleux que cette dernière présenta en 1965, Parades & changes. Le Ballet de l’Opéra de Lyon est quant à lui passé maître, sous la direction de Yorgos Loukos, en matière de re-création puisque les plus grands chorégraphes lui ont transmis leurs œuvres. Il présentera cette fois trois programmes, le premier consacré à trois artistes contemporains (Odile Duboc, Boris Charmatz et Maguy Marin), le second à William Forsythe, le dernier à la reprise de The Show must go on de Jérôme Bel (voir ci-contre). Quelques autres grands noms à ne pas rater : Preljocaj avec la création d’un ballet sur le thème de Blanche Neige, Anne Teresa de Keersmaeker avec le magnifique spectacle Rosas, Les Ballets C de la B avec la première mondiale d’Aphasiadisiac ou encore la Compagnie Maguy Marin avec sa dernière pièce Turba.

Coups de cœur

The show must go on (le 14 septembre à l’Opéra, place de la Comédie-Lyon 1)
En septembre dernier, Jérôme Bel recréait avec le ballet de l’Opéra de Lyon son spectacle mythique, The Show must go on. Dans cette farce chorégraphique, le «chef de ballet» se contente de passer des disques de standards de la variété internationale, de David Bowie (Let’s dance) à la Macarena de Los Del Rio en passant par la BO de Titanic jusqu’à un ultime Show must go on de Queen. Les danseurs oublient pointes et port de tête pour devenir de simples consommateurs de musique, qui exécutent automatiquement les ordres de ces hymnes populaires (voir le mime d’une scène du Titanic pendant My heart will go on, la «chorégraphie» de la Macarena, ou les étreintes sur Into my arms de Nick Cave). Toujours intelligent, souvent ridicule, The Show must go on parvient même à nous émouvoir. Immanquable.

Press (les 25 et 26 septembre à la Maison de la Danse, 8 avenue Jean-Mermoz-Lyon 8)
On aurait pu voir Pierre Rigal à Pékin, s’il avait poursuivi sa carrière d’athlète de haut niveau. Mais c’est à la Biennale de la Danse que le public lyonnais le découvrira, sans doute encore plus souple qu’à l’époque où il brillait au 400 mètres haies. Dans Press, il investit un dispositif digne d’un épisode d’Indiana Jones ou de Mission impossible, une espèce de boîte dont le plafond descend peu à peu jusqu’à écraser celui qu’il abritait. Est-ce le ciel lui qui tombe sur la tête ou bien lui qui grandit et s’y cogne ? Quoi qu’il en soit, le danseur doit développer de nouvelles façons de se tenir debout pour subsister. Le geste est tantôt gracieux et reptilien, tantôt robotique et aliéné. Seuls compagnons de celui qui a notamment dansé pour Gilles Jobin (dans une pièce magnifique, The Moebius Trip), une chaise et une lampe articulée. Le tout compose un univers abstrait qui se transforme progressivement en un sarcophage d’une époustouflante beauté.

G comme Gravité + A comme Abstraction (les 27 et 28 septembre au Radiant, 1 rue Jean Moulin-Caluire)
Fabrice Lambert est un danseur et un soliste hors pair. Il le confirme dans G comme Gravité. Ce qu’il confirme surtout, c’est l’intelligence de son travail sur les liens entre mouvement et technologies, notamment vidéo. G comme Gravité est une variation sur la figure de Narcisse, sur le reflet, l’ombre et la projection. Lambert joue avec les sens du spectateur, l’hypnotise en faisant se confondre le plateau sur lequel il évolue et l’écran dressé derrière lui. Ce dernier amplifie des ondes (aquatiques, énergétiques) générées par les mouvements du danseur. Ceux-ci sont très discrets mais par la grâce de ce dispositif, ils emplissent tout l’espace de la scène et semblent même avoir des répercussions infinies. Une expérience sensorielle et poétique inédite, comme les aime Fabrice Lambert.

Biennale de la Danse, du 6 au 30 septembre / 04.72.26.38.01
www.biennale-de-lyon.org

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