“Rue de la Peau” de Neil Bartlett
Rue de la Peau est un roman étonnant, touffu et écrit avec une minutie rare, un peu comme son héros travaille les peaux.
Monsieur F. est fourreur, c’est à peu près tout ce que l’on sait de lui. Il aurait pu être un personnage de Kafka, salarié méticuleux, sans passion, sans caractère ni ambition. Ou plutôt un personnage de Nicolas Gogol (auteur de la magnifique nouvelle Le Manteau) qui traverse la ville et la vie comme un fantôme jusqu’à ce qu’un événement inattendu réveille en lui des tourments endormis. Pour Monsieur F., la rupture survient avec un rêve, dans lequel il découvre, pendu par les pieds dans sa salle de bain, le corps d’un jeune homme aux cheveux longs. Obsédé et terrifié par ce cauchemar dont les images commencent à troubler son quotidien parfaitement réglé, il se rend bientôt compte que ce garçon, c’est le neveu de son patron, l’impétueux apprenti que tout le monde à l’atelier surnomme Beau Gosse. Et le désir s’insinue dans la vie et dans les tripes de Monsieur F., dont la mue s’engage jusqu’à ce qu’il récupère le reste de son nom et se fasse appeler Monsieur Freeman (homme libre en français). C’est évidemment une histoire de refoulement et de retour du refoulé que nous raconte Neil Bartlett, avec en fil rouge la belle métaphore de la fourrure et de la peau, tirée depuis une bobine : le thème de La Belle et la bête, dont Rue de la Peau est finalement une variation.
Rue de la peau de Neil Bartlett (aux éditions Actes Sud)
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