Tragédie, drogue et rock & roll

Anne Ferret entre en scène, sombre et femme fatale. Vénéneuse ? Il y a comme la promesse d’un destin tragique dans son apparition puis dans ses premiers mots. Anne Ferret joue Nico, l’égérie d’Andy Warhol, la chanteuse du Velvet, la collectionneuse d’hommes, dont on oublie souvent qu’elle a eu une carrière musicale singulière après cette expérience collective. Anne Ferret joue Nico qui pourrait jouer Médée. Comme la Callas l’a interprétée pour Pasolini. Comme si un seul et même esprit furieux, destructeur, traversait tous ces corps depuis la nuit des temps. Celui de cette prêtresse qui avance sur un fil de fer entre barbarie et civilisation. Celui d’une fille du soleil qui commet l’infanticide le plus célèbre de l’histoire pour se venger de son compagnon, Jason, qui l’a quittée pour la fille du roi de Corinthe. De la violence, de la grâce, de la jalousie ; il y a tout cela dans Médée, dans Nico, dans la Callas peut-être, dans Anne Ferret sans doute lorsqu’elle tient le micro sur la scène de Nico-Medea-Icon. Philippe Vincent, le metteur en scène de ce concert-tragédie, a souhaité faire un spectacle sur Nico après avoir découvert ses textes. Et l’un de ses auteurs fétiches a vite resurgi ; Heiner Müller, avec son Médée Matériau, un condensé fulgurant et lyrique sur le fameux thème mythologique. Sur scène donc, des chansons de Nico, des fragments du texte de Müller et du rock. Car le rock, Philippe Vincent le dit après d’autres, est une «résurgence de la tragédie grecque». La pièce est une cérémonie, où se confondent les incantations magiques de Médée et les chants psychédéliques de Nico. Anne Ferret n’en incarne aucune mais donne voix, grâce et puissance à ces deux personnages. Les musiciens sont ses compagnons à vue, emmenés par un impressionnant Bob Lipman. C’est lui d’ailleurs, avec le batteur Dominique Lentin, qui a composé la partition du spectacle dont une partie est directement inspirée des musiques de Nico et des arrangements de John Cale. Cette Nico-Médée est une créature sur le fil, idéalement programmée dans le cadre du festival Borderline au Nouveau théâtre du huitième.

Du 3 au 7 mars au Nouveau théâtre du 8e, 22 rue commandant Pégout-Lyon 8
www.nth8.com

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