Vues d’en face : plein les mirettes

vues d'en faceSélection de quelques films à ne pas manquer pendant le festival Vues d’en face, qui une fois de plus fait la part belle aux productions étrangères.

 

Corazones de mujer
De Kiff Koosof, avec Ghizlena Waldi, Aziz Ahmeri.
Un titre espagnol (en clin d’œil à Almodovar) pour un film italien dont les héros, marocains, sont un travesti au grand cœur et une femme redoutant qu’on ne découvre, lorsqu’elle se mariera, qu’elle n’est plus vierge… Voilà pour le programme plein de surprises de cette comédie généreuse tournée avec un budget riquiqui. Corazones de mujer mélange les genres de tous genres : cinématographiques, sexuels, identitaires. C’est ce qui fait son charme, ce passage sans heurts du road movie à la fable, de la légèreté aux thèmes les plus graves : homosexualité et transsexualité dans un pays musulman, place de la femme dans cette culture, liberté individuelle… Bien sûr, il y a des maladresses, un trop plein de bonne volonté qui déborde parfois, mais ce film singulier emporte néanmoins l’adhésion par son optimisme à tout crin. Réalisé par deux jeunes italiens ayant choisi un pseudonyme marocain qui signifie «éclipse», porté par des acteurs non professionnels dont (pour le travesti) c’est un peu l’histoire qui est racontée là, Corazones de mujer séduit par ce mélange de naïveté sentimentale et d’engagement politique qui n’appartient qu’à lui.

She’s a Boy I Knew
De Gwen Haworth.
Le sujet du film de Gwen Haworth, c’est elle-même. Ou plutôt le regard que sa famille et ses proches portent sur elle. En effet, c’est en laissant la parole à son entourage et en utilisant, outre ces interviews, des photos et des films personnels, qu’elle a choisi de raconter au plus près sa transition MtoF (Male to female). Si quelques réactions à ce processus, qui s’est déroulé entre 2001 et 2004, sont d’une franchise douloureuse ou si l’incompréhension domine quelquefois, la plupart se caractérisent par un soutien sans faille de la part de ses amis, de sa mère ou de son ex-épouse. Alors bien sûr, c’est de sa transition que parle Gwen Haworth. Mais tout autant que sa propre démarche identitaire, ce qui l’intéresse, ce sont les répercussions que celle-ci a eu sur son entourage. En cela, She’s a Boy I Knew est le résultat d’une démarche inédite. Certains témoignages sont inoubliables, notamment ceux de la mère et de l’ancienne femme de celui qui s’appelait encore Steven et dont elle a cru, un temps, pouvoir continuer à partager la vie une fois sa transformation entamée. Ce documentaire canadien, qui a remporté un vif succès dans de nombreux festivals internationaux, est une étape important dans la prise en charge de leur propre image par les trans. Un vrai choc.

Young Soul Rebels
De Isaac Julien (1991), avec Valentine Nonyela, Mo Sesay, Dorian Healy.
Mal connu en France, Isaac Julien est pourtant un des grands noms du cinéma et de l’art gay anglais des deux dernières décennies. Artiste, plasticien et réalisateur, il a placé son œuvre sous le signe de la construction de l’identité noire en Grande-Bretagne, et de l’identité homo dans la communauté black. Young Soul Rebels est un de ses films les plus attachants, portrait, dans le Londres de 1977, de trois jeunes gens (deux Noirs et un Blanc) entre musique omniprésente (funk, punk et reggae mêlés) et désirs d’ordre divers. Film politique mais jamais prisonnier d’un discours, <i s’amuse avec beaucoup de subtilité et de force à transgresser les valeurs corsetées de l’Angleterre thatchérienne, bousculant les préjugés racistes et sexuels autant que les codes vestimentaires et musicaux. Un film à (re)découvrir tant il n’a pas pris une ride.

Shelter
De Jonah Markowitz, avec Trevor Wright, Brad Rowe, Jackson Wurth.
Pourquoi diable est-on sensible à cette romance sur fond de coming out, dont il faut bien dire que le scénario très prévisible tient sur une feuille de papier à cigarettes ? Parce que les garçons, de jeunes californiens fans de surf (ce qui permet de montrer sans retenue leurs physiques avantageux), sont joliment jolis bien sûr. Mais aussi sûrement parce la mise en scène du débutant Jonah Markowitz fait preuve en permanence de finesse et de tendresse dans le regard qu’il porte sur ses deux personnages principaux et leur amour qui prend forme. Shelter évite la plupart des passages obligés des films gays de consommation courante tels qu’il en débarque par cartons entiers en DVD. Sans drames, sans larmes, sans excès de quelque nature que ce soit, ce film lumineux raconte un amour gay en train d’éclore sous le soleil californien. Et c’est loin d’être désagréable…

Boystown
De Juan Flahn, avec Pablo Puyol, Rosa Maria Sarda, Pepon Nieto, Carlos Fuentes.
Après 20 cm, Reinas, Cachorro et bien d’autres, Boystown est la nouvelle comédie gay espagnole, un genre en soi né dans la foulée des succès d’Almodovar et des évolutions à vitesse accélérée de la société ibérique sur les questions homos. C’est d’autant plus important de le noter qu’on est bien en peine de trouver en France l’équivalent de ces films (et qu’on ne me parle pas de Comme les autres !) qui mêlent humour, garçons sexy sans tabous et aux physiques parfois différents (on baise dans ces films ! et les bears les premiers !), sur fond de réalité sociale et politique. Bref, c’est souvent épatant. Ici, le cadre, c’est un quartier de Madrid en voie de transformation en quartier gay, qui se retrouve en proie aux agissements d’un serial killer de vieilles dames… Jouant sans complexe avec tous les clichés homos (tueur à l’homosexualité refoulée, mères possessives, folles coutures, etc.), Boystown, s’il n’atteint pas les meilleures réussites de ce ciné gay d’outre-Pyrénées, n’en dit pas moins beaucoup sur la place, la visibilité et la reconnaissance dont les homosexuels bénéficient dans un pays où ils ont des droits égaux aux hétéros. Autant dire qu’ici, on a encore du boulot…

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