“Une source de richesse”

Rencontre avec Sophie, secrétaire de l’association trans lyonnaise Chrysalide.

La journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie a braqué les projecteurs sur le second terme, la marche des fiertés de Lyon a dédié son mot d’ordre à la cause trans : c’est déjà une victoire pour vous ?
Oui tout à fait, c’est très important pour nous. La Lesbian and Gay Pride souhaite aller dans ce sens depuis que Chrysalide a rejoint l’association. Tout le monde à la LGP a envie de soutenir notre action et de sensibiliser le grand public à ces questions. Nous avions déjà le 20 novembre, le Transgender Day of Remembrance, une journée de souvenir dont l’objectif est de se souvenir et de visibiliser les personnes trans assassinées. Il s’agit d’une date plus confidentielle ou en tout cas plus communautaire ; c’est important qu’à l’occasion d’événements plus médiatiques comme le 17 mai ou la Gay Pride, des volontés se manifestent dans le réseau militant pour travailler collectivement sur les thématiques transgenres. Une marche ayant pour thème la transidentité a déjà eu lieu à Toulouse en 2004 ; ce n’est donc pas tout à fait une première à Lyon, mais une deuxième, c’est déjà pas mal !

Le mot d’ordre proclame «respectons la transidentité, refusons la transphobie». Qu’entend-on lorsqu’on utilise le mot «transidentité».En quoi les personnes trans ne sont-elles pas respectées ?
Le mot transidentité désigne plusieurs réalités différentes : le transvestisme, le transgenderisme, le transsexualisme. Pour résumer, la transidentité caractérise toute personne qui considère que son genre est en inadéquation avec son sexe. Pour ce qui est de la transphobie, prenons des exemples ; lorsqu’une personne veut accéder à un traitement hormonal pour rejoindre le genre auquel elle s’identifie, elle est soumise à un suivi psychiatrique extrêmement rigide ; la plupart des critères utilisés par les médecins pour appréhender les cas de transsexualité sont presque toujours fondés sur des préjugés sexistes. On exige notamment que les personnes trans soient hétérosexuelles dans leur sexe d’arrivée, qu’elles soient stérilisées pour changer d’état civil, etc. Ce que nous demandons, c’est le respect de la parole des gens, de la manière dont ils se considèrent. Toute cette diversité doit être observée comme une source de richesses plutôt que de menaces. Cette transphobie de la part des institutions médicales et judiciaires se prolonge évidemment dans l’espace public. Nous avons récemment reçu une transsexuelle à qui l’on refusait à la fois l’accès aux toilettes des hommes et des femmes dans son entreprise. C’est un exemple trivial mais les brimades et les vexations de ce type sont très fréquentes.

Vous gagnez manifestement en visibilité ; est-ce que l’attitude des politiques et des institutions évolue simultanément ?
Il y a un véritable mouvement à l’échelle locale : la Région et la Ville de Lyon nous ont soutenu pour éditer un guide sur la transphobie à l’occasion de la journée du 17 mai. En revanche, je ne suis pas sûre que ça bouge dans le bon sens au niveau national. La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de rendre un rapport au Ministère de la Santé, que nous jugeons inquiétant. Ce rapport recommande notamment de réserver les prescriptions de traitements hormonaux à certains médecins spécialisés, dont on sait qu’ils relayent des points de vue sexistes et psychiatrisants comme ceux énoncés plus haut. Le risque est que des personnes trans n’aient plus accès à un suivi médical et qu’elles soient obligées de commander leurs traitements par Internet. Par ailleurs, le rapport propose qu’avant de s’engager dans un parcours de transition, les personnes trans soient soumises «test de vie réelle», c’est à dire vivre une certaine période dans leur genre de destination avant même de commencer un traitement ; en gros, on leur demande de vivre et de travailler travesti, s’exposant évidemment à de nombreuses railleries et discriminations en particulier dans un pays comme le France où la transphobie n’est pas reconnue par l’État.

http://chrysalidelyon.free.fr

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