Juillet 2009

Tony Blanchet

«Cette coutume ressemble a un cirque dégradant et surtout provocateur qui ne peut que nuire à la liberté sexuelle. La façon de vivre de chacun ne peut être exposée dans le ridicule avec ces défilés indignes. Arrêtez ce cirque !»
Commentaire anonyme à un article sur la Marche des fiertés lyonnaise, sur le site du Progrès, le 21 juin.

Comme chaque année, suite à la Marche des fiertés lesbiennes, gay, bi et trans, les commentaires sont nombreux pour dénoncer le carnaval, l’exhibition, l’outrance de la manifestation. Pourquoi donc le côté carnavalesque du défilé choque-t-il autant alors qu’il sert plus qu’il ne menace son dessein militant ? La gay pride – que l’on appelle désormais Marche des fiertés – constitue un de ces rares moments où l’on pose, dans une société aux lunettes de verre fumé, la question de l’obscénité. Qu’est-ce que la communauté met hors scène et hors jeu ? C’est à dire en définitive hors droit, comme le montre le refus de légiférer sur des réalités pourtant manifestes : homoparentalité, transidentité, etc. Le combat pour la liberté sexuelle et pour le droit d’exister dans des identités marginales est un jeu de cache-cache, de dévoilement permanent. Alors oui, dans la grande tradition du carnaval, on se grime et l’on exagère pour mieux se révéler. On dépasse ce que l’on est pour dire que même dans une déclinaison spectaculaire et exagérée de nos êtres, on a le droit d’exister. Pendant une journée, on pose le masque bienséant que l’on porte toute l’année pour s’affubler d’un autre, manifeste et parfois provocateur. Personne n’est choqué quand des amateurs de foot se maquillent aux couleurs de leur équipe et surjouent leur appartenance à la communauté des supporters. Pendant une journée, les lesbiennes, les gays, les bi, les trans et tous les autres portent un masque coloré, pailleté et joyeux pour se libérer de celui qu’ils sont forcés de porter au quotidien. Comment peut-on nier l’ambition politique d’une manifestation qui pose ainsi les questions du montrable et du caché, de la tension permanente entre identité et communauté ? N’en déplaise à ceux qui préfèrent les placards et les boîtes, la Marche des fiertés est un bel événement, plein de promesses et porteur d’humanité.

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