Mars 2010

Astrid Méry Sinivassin

Astrid Méry Sinivassin

«Au début, j’ai cru que c’était un joueur de l’équipe réserve du PSG. Mais en réalité, il est premier secrétaire de la section de Villiers-le-Bel. Ça change tout !».

Le maire de Franconville n’en est pas revenu : sa boutade à l’égard d’Ali Soumaré, candidat noir du PS pour les Régionales en Île-de-France, lui a valu plusieurs accusations de racisme. Le plus signifiant dans cette affaire est sans doute qu’il n’ait pas vu où était le problème. Peu après, une cabale s’engageait contre le jeune socialiste, menée par le même Francis Delattre, le qualifiant de «délinquant multirécidiviste chevronné». Quel camouflet lorsque la procureur annonça que la plupart des accusations concernait un homonyme. À la limite, qu’Ali Soumaré ait commis des délits ou non n’est pas si important ; ce qui donne la nausée, c’est l’incapacité de nombreux hommes politiques (de droite comme de gauche) à imaginer les individus appartenant à des minorités en dehors des représentations courantes, souvent vulgaires et stigmatisantes, qui leur collent à la peau. Noir = footballeur ou délinquant. Les minorités ne sont d’ailleurs pas les seules visées : voir comment Nicolas, à l’occasion du débat télévisé animé par Jean-Pierre sur TF1, s’est adressé aux femmes présentes sur le plateau par leurs prénoms et aux hommes par leurs noms de famille, précédés de «Monsieur». Une exception toutefois : Rex Kazadi, «celui qui connaît les banlieues comme sa poche», a également pu être flatté par la familiarité du président. «Vous chipotez, ce ne sont que des mots, sortis de leur contexte, arrêtez de tout interpréter…» : on connaît la défense traditionnelle des accusés en légèreté de langage. Si les erreurs doivent être permises, la légèreté mérite d’être combattue dans le monde politique ; car une parole publique engage à chaque fois un élu ou un responsable devant les citoyens. Georges Frêche n’est sans doute ni raciste, ni antisémite, ni homophobe ; en revanche, ce n’est pas être “politiquement correct“ que d’être attentif au registre de langue que l’on choisit. Les écarts de langage sont les premiers écarts de conduite.

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