La Queer Palm, grande nouveauté de la soixante-troisième édition du festival de Cannes

Tour d’horizon des films les plus marquants de la soixante-troisième édition du festival de Cannes, marquée par l’apparition d’un nouveau prix : la Queer Palm.

La consécration Weerasethakul

C’est donc Apichatpong Weerasethakul, avec Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, qui hérite de la Palme d’Or 2010. Le choix logique d’un cinéaste qui, en une poignée de films, s’est imposé comme l’un des trois auteurs les plus importants de la décennie. On avait découvert le génial Thaïlandais en 2002 avec Blissfully Yours, bijou alangui et extatique, qui avait obtenu le prix “Un Certain Regard“. Mais c’est en présentant en 2004 Tropical Malady, film envoûtant et sublime autour d’une histoire d’amour entre deux garçons, que Weerasethakul a ravi définitivement le cœur des cinéphiles. Oncle Boonmee a rehaussé la saveur d’une sélection 2010 un peu fade, dans laquelle beaucoup de cinéastes attendus ont semblé en petite forme (Kiarostami, Kitano, Iñárritu notamment). La seule exception est venue de l’inoxydable Manoel de Oliveira qui, à 101 ans, a présenté dans la sélection “Un certain regard“ le très beau L’Étrange Cas Angélica. Côté documentaires, Cuchillo de Palo (108), de Renate Costa, a été particulièrement remarqué. Il s’agit d’une enquête de la réalisatrice sur son oncle Rodolfo, enquête qui la conduit à se pencher sur l’affaire des “108“, une liste d’homosexuels établie au Paraguay au début des années 1980 par la dictature d’Alfredo Stroessner.

Deneuve restaurée, Dolan fatigué

Cette année encore, Cannes a offert aux cinéphiles de grands moments d’émotion, notamment avec la présentation, dans la sélection “Cannes classique“, d’une version restaurée du somptueux Tristana de Buñuel, en présence de Catherine Deneuve, accompagnée par Pedro Almodovar et Frédéric Mitterrand. La première Queer Palm est allée à Kaboom, de Gregg Araki, le choix contestable d’un teen-movie poussif enrobé d’un succédané d’univers “lynchien“. Toujours côté films LGBT, une autre déception est venue du deuxième film de Xavier Dolan, Les Amours imaginaires. Dolan avait été découvert avec la présentation à Cannes l’an dernier de J’ai tué ma mère, et sacré, avec une certaine précipitation, nouveau prodige du cinéma québécois. Comme son prédécesseur, Les Amours imaginaires souffre d’une esthétique grossière, de références trop ostentatoires (nombreux ralentis sur fond de violons à la Wong Kar-wai), et de dialogues un peu mièvres. Après les déceptions Dolan et Araki, on en viendrait presque à penser que le meilleur film queer de Cannes 2010 était… Tournée, de Mathieu Amalric. L’acteur fétiche de Desplechin filme une troupe de new burlesque (striptease parodique façon “show de drag-queen“) en tournée dans la province française : un film affriolant, original et convaincant.

Le cinéma LGBT couronné

L’un des événements de ce festival 2010 a été l’apparition de la première Queer Palm. Un prix distribué sur le modèle des Teddy Awards du festival de Berlin, dont la première édition en 1987 avait récompensé La Loi du désir d’Almodovar et qui ont participé à la promotion de cinéastes comme François Ozon, Todd Haynes ou John Cameron Mitchell. La Queer Palm doit récompenser un film parmi ceux présentés toutes sélections confondues. Le jury est composé de journalistes et d’organisateurs de festivals de cinéma gay et lesbien. «Le mot que j’ai entendu le plus souvent quand j’ai proposé le projet à divers professionnels, c’est : enfin ! », raconte le journaliste Franck Finance-Madureira, à l’origine de cette initiative. Les organisateurs du festival de Cannes voient d’un bon œil l’arrivée de cette Queer Palm, susceptible d’endiguer la fuite de plus en plus systématique des films LGBT vers la Berlinale. Et à ceux qui lui reprocheraient le caractère communautariste de ce nouveau prix, Franck Finance-Madureira rétorque : «mettre en avant une visibilité, c’est avant tout rétablir une forme d’égalité».

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