Bête de studio

François Sagat était à Lyon le 15 septembre dernier pour présenter au cinéma le Comœdia le huitième film de Christophe Honoré, Homme au bain, dans lequel il tient le rôle principal.

Comment vous êtes-vous retrouvé sur le tournage d’un film de Christophe Honoré ?
Christophe ne connaissait pas mes films pornos mais il m’avait vu dans un court-métrage de fiction dans lequel j’avais tourné pour Olivier Nicklaus ainsi que dans des petites vidéos YouTube que j’avais filmées pour m’amuser.

Avez-vous eu peur de ne pas être à la hauteur d’un film dit “traditionnel“ ? Est-ce la même chose que de tourner un porno ? 
Je n’ai pas eu peur parce que je n’ai pas de fascination particulière pour le travail d’acteur. En même temps, je savais que mon personnage était assez central dans le film de Christophe, donc je ne pouvais pas me louper. J’étais un peu préparé grâce au porno à gérer le rapport avec les caméras, mais le métier d’acteur de fiction reste très différent. Dans le porno, on concentre davantage son attention sur son corps, sur des aspects très techniques, ce n’est pas un don de soi énorme finalement, c’est très mécanique. On se dévoile beaucoup plus dans un film “traditionnel“.

Vous pensez en avoir définitivement fini avec le porno ? 
Non je n’ai encore rien décidé, il est très probable que je continue à tourner dans des films pornos. D’une façon générale, je n’ai pas forcément envie de casser mon image d’acteur porno. C’est ce qui m’a fait connaître et je pense que c’est ce qui a intéressé Honoré.

Justement, vous pensez que Christophe Honoré vous a choisi comme un fantasme, comme une créature, une matière vierge à modeler ? 
Il s’est rendu compte en s’intéressant à moi que j’assumais une forme de féminité et je crois qu’il a voulu mettre en scène cette ambiguïté. J’aime beaucoup la scène du film où je danse avec un balai en faisant le ménage. Je pense que mon corps est un capital pour un réalisateur mais qu’il peut aussi limiter mon champ d’expression dans le sens où je ne peux pas jouer n’importe quel personnage.

Que pensez-vous de l’accueil réservé au film aussi bien par les critiques que par le public ? 
Je constate que le film divise énormément. À Locarno, lors de la présentation d’Homme au bain, un tiers de la salle est parti ! Quelque part, je peux comprendre la réaction violente de certaines personnes. À l’origine, Christophe ne voulait pas vraiment que le film soit médiatisé, mais je crois qu’Homme au bain ne passera pas inaperçu.

 

Critique

Emmanuel (François Sagat) vit en couple avec Omar dans une HLM à Gennevilliers. Quand Omar part pour un séjour à New York, il demande à Emmanuel de ne plus être chez lui à son retour en France. Homme au bain est la chronique des premiers moments d’une séparation rythmée par les rencontres sexuelles des deux ex-amants. Le projet d’Homme au bain tel qu’il avait été présenté par Christophe Honoré avait de quoi laisser perplexe. Le film devait d’abord être un court-métrage tourné en quelques jours après une commande du Théâtre de Gennevilliers. Un voyage de promotion à New York filmé en DV plus tard, le court-métrage était transformé en film d’1h10 prêt à la distribution en salle. «Rien ne se perd, rien se crée, tout se transforme» : Honoré ne se prive donc pas de mettre en pratique la maxime de Lavoisier et sa méthode passe aux yeux de certains pour une forme de légèreté, voire pour de l’escroquerie. Mais Christophe Honoré a ceci de particulier qu’il a toujours raté ses films les plus travaillés (Non ma fille… , 17 fois Cécile Cassard) et excellé dans ceux les plus rapidement tournés. Homme au bain fait donc partie de la seconde catégorie, celle des films conçus à la va-vite façon Nouvelle Vague, libres et séduisants. Homme au bain n’est pas touché par la grâce comme pouvaient l’être Les Chansons d’amour, mais c’est néanmoins un travail qui transpire une belle énergie et une audace certaine. Le film superpose sans complexe l’effet de réel produit par le tournage de scènes caméra au poing et certains éléments d’invraisemblance, comme la présence d’un riche collectionneur américain dans une HLM. Avec Homme au bain, Christophe Honoré redevient le cinéaste des corps qu’il était à ses débuts avec Ma mère. Et ce travail “pialatien“ s’avère passionnant lorsque le réalisateur filme l’acteur porno Sagat, Golem queer dont il sculpte la masse de muscles, l’observant dans toutes les postures. Le film regorge enfin de scènes de sexe entre garçons, filmées très frontalement. Un parti pris gonflé pour un cinéaste dont le travail s’était aseptisé à mesure que son succès augmentait.

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