“Le jour du Roi” d’Abdellah Taïa

101201_10livreim2auchoixAbdellahTaaJrmyStigterDans Le Jour du Roi, prix de Flore 2010 et conte incandescent sur les années Hassan II (1961-1999), Abdellah Taïa poursuit une œuvre faite de transgression et d’attachement à la culture marocaine.

 

Son septième roman débute par un songe. Omar, adolescent pauvre de la petite ville de Salé, se retrouve aux pieds du roi Hassan II. Une rencontre, un vertige. «Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier», s’émeut Omar. Le jeune homme est comme tous les Marocains, fasciné par la famille royale et par le souverain. Mais lorsque le monarque prévoit de prendre la route entre Rabat et Salé, c’est Khalid, le meilleur ami, l’amant, le bourgeois, qui est choisi pour aller le saluer. Une trahison pour Omar et le début d’une rupture tragique sur fond de lutte des classes. Abdellah Taïa explique : «Hassan II, tout en tuant tout autour de lui, en vidant l’imaginaire marocain, a installé une fascination sincère chez les habitants du Maroc, quel que soit leur milieu. Traiter le thème des classes sociales ne pouvait pas se faire sans évoquer la figure du roi». Le Jour du Roi est sans doute son plus beau livre. On y retrouve la plume fiévreuse déjà à l’œuvre dans ses précédents romans, à un niveau supérieur de maîtrise. L’écrivain a osé, notamment dans Le Rouge du tarbouche (2004) et Une mélancolie arabe (2008), aborder de front la question de l’amour entre hommes. À la une du journal TelQuel, il a été le premier artiste marocain à assumer publiquement son homosexualité, dans un pays où les relations entre personnes du même sexe sont encore passibles de prison. Dans Le Jour du Roi, Taïa met en scène la nudité du monarque Hassan II, une provocation pour beaucoup de Marocains. Au journal Maroc Hebdo qui s’étonne de cette audace, Abdellah Taïa répond : «écrire c’est oser, publier un livre c’est se présenter nu devant le monde. Depuis 2005, je suis nu devant tous les Marocains». Une belle leçon de courage littéraire, doublée d’une véritable plume d’écrivain chez ce jeune auteur de trente-sept ans.

 

Le Jour du Roi, d’Abdellah Taïa, éditions du Seuil (16, 50€)

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