Édito de juillet-août

«Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme» (Slogan du Mouvement de Libération des Femmes, 26 août 1970)

L’été est, paraît-il, la saison la plus propice aux nouvelles expériences, au changement d’habitudes, aux ruptures avec le train-train quotidien. Aussi, dans ce dernier édito avant les vacances, nous ne parlerons pas, une fois n’étant pas coutume, de discriminations qui perdurent, de droits bafoués, de minorités méprisées, de tous ces sujets dont nous vous entretenons déjà toute l’année. Pour une fois, nous tâcherons de nous intéresser à l’angle mort des luttes gays et lesbiennes. Car se battre pour une cause, aussi juste soit-elle, c’est toujours en occulter d’autres, parfois tout aussi légitimes. Tout accaparés que nous sommes par le combat pour l’égalité entre homos et hétéros, on en viendrait presque à oublier que les gays, les lesbiennes et les trans ne sont hélas pas les seuls «citoyens de seconde zone» de la République, pour reprendre une expression qui a fleuri depuis quelques mois dans les milieux associatifs et militants LGBT. Ouvriers vivants dans la crainte d’une fermeture de leur usine, salariés exploités et sous-payés, travailleurs pauvres cantonnés dans des banlieues pourries… Eux ne disposent pas d’une Marche des Fiertés pour faire entendre leur voix, de députés prêts à se pencher sur leurs problèmes pour se donner un air progressiste, ni d’associations fortes et structurées pour les défendre. Eux savent bien que, quelque soit l’issue des élections de 2012, leur sort et leur statut social ne seront pas transformés par le vote d’une simple loi, aussi essentielle et symbolique soit-elle. Ayons donc cet été une pensée pour tous ceux que la conseillère municipale UMP de Fontaine Évelyne de Caro appelait début avril, avec une rare finesse, les gens «normaux» (sic), ou encore «ordinaires, c’est-à-dire comme tout le monde, dans la masse» : ceux qui ne sont «pas forcément de gauche» mais «français ou d’origine européenne, en situation complètement régulière, hétérosexuel[s], aimant l’art dans toute sa splendeur, marié[s], divorcé[s] ou veuf[s]». Toute la difficulté de la période préélectorale qui s’annonce consistera précisément à faire entendre les revendications des trans et des homos sans étouffer la voix de ces gens «normaux» (re-sic) qui ne sont parfois guère mieux lotis que ceux que l’on ne peut appeler autrement, selon la terminologie de Mme de Caro, que «les anormaux». À se réjouir que les responsables politiques soient de plus en plus nombreux à se rallier à la cause LGBT tout en dénonçant leur désintérêt persistant pour d’autres thématiques non moins importantes. On le voit, la tâche s’annonce ardue. L’été n’en sera que plus nécessaire pour se reposer de l’hystérie médiatique et reprendre des forces en vue des combats à venir. Bonnes vacances à tous, donc, et à la rentrée !

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