Patrick Juvet: Cette année-là

L’année 1973 est au cœur de deux pièces fondées sur des projets similaires : rejouer des événements (fictif dans un cas, réels dans l’autre) qui ont eu lieu cette année là. Numéros de revue et souvenirs de l’Eurovision au programme.

Camille Germser ne s’en est jamais caché : il aime les plumes, les numéros de cabaret et les «girls» qui composent sa troupe, la Boulangerie. Il avait agité le tout, avec l’énergie et la poésie qui transforment les lubies en grands moments de théâtre, en créant La Sublime revanche en 2004. L’argument : huit danseuses de différents cabarets parisiens montent un syndicat en 1973, pour défendre leur art et leur autonomie. Toutes sont licenciées et décident de créer leur propre spectacle, au Théâtre du Soupirail. La Sublime Revanche est la reconstitution de cette revue, dont personne n’est certain qu’elle ait vraiment existé. Les numéros exécutés avec brio ou désinvolture sont entrecoupés d’adresses au public, de clins d’œil (un petit mot de Simone Hérault, égérie-voix de la SNCF) qui sèment le doute sur la représentation : ces femmes sont-elles les fantômes des meneuses-syndiquées ou bien leurs héritières inspirées ? Quoi qu’il en soit, quelque chose se rejoue sur scène (et dans la salle), qui nous plonge dans un temps suspendu, en compagnie d’une troupe de femmes que l’on imagine volontiers complices dans la vie et aimées par un metteur en scène qui les réunit de nouveau cette saison pour le plaisir du public.

Patrick Juvet

1973, c’est aussi le titre de la pièce créée au Festival d’Avignon 2010 par le metteur en scène suisse Massimo Furlan. Il s’est en effet intéressé à l’édition 1973 de l’Eurovision, qu’il rejoue sur scène, seul et en temps réel, selon le mode du re-enactment qui lui est cher ; ce procédé consiste à rejouer au plus juste un événement avec les moyens du théâtre (Massimo Furlan endosse de nombreux costumes) et les limites qui vont avec (il ne sait pas chanter). Défilent donc sur scène la présentatrice Helga Guitton, le candidat suisse Patrick Juvet et la future gagnante Anne-Marie David (et oui, à l’époque, la France remportait l’Eurovision). La potacherie est au cœur du dispositif, régulièrement nuancée (ou soulignée) par les interventions savantes de trois penseurs (dont, excusez du peu, Marc Augé) qui débattent des notions de culture populaire, de rituel, d’icône, etc. Avec 1973, Massimo Furlan lance un pari aux spectateurs, dont on admire l’audace mais dont on doute parfois de la finalité. Un bon moment, quoi qu’il en soit, forcément plus enthousiasmant que les éditions de l’Eurovision servies depuis quelques années.

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