«Rien de révolutionnaire»

OLYMPUS DIGITAL CAMERAOlivier Lelarge, responsable des questions LGBT à la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), le premier syndicat de l’enseignement en France, revient sur l’introduction de la «théorie du genre» dans les manuels scolaires.

Qu’y a-t-il de si révolutionnaire dans le contenu des nouveaux manuels scolaires ?
Rien ! Ils incluent simplement les nouveaux programmes des cours de Sciences et Vie de la Terre (SVT) des classes de Première, qui ont été votés et publiés il y a un an. Ceux-ci invitent les élèves à réfléchir sur l’élaboration du genre chez les êtres humains et sur le fait qu’on ne naît pas forcément d’emblée homme ou femme, mais que cette identité est aussi le résultat d’une construction sociale. Cela ne va pas au-delà ! On est donc encore loin des «gender studies» («études sur le genre», devenues courantes dans les pays anglo-saxons mais encore peu répandues en France, NdlR) que dénoncent les réactionnaires… Comme toujours, le Conseil Supérieur de l’Éducation a donné son avis sur ces programmes, qui ont ensuite été validés par le ministre. Ensuite, les éditeurs ont usé de leur liberté en choisissant d’en accentuer tel ou tel aspect et en les illustrant de différentes manières.

Certains affirment que cette théorie aurait davantage sa place dans des cours de philosophie ou de sociologie que de sciences naturelles…
L’intérêt de ces nouveaux programmes, c’est justement de sortir les SVT du tout-biologique en intégrant des éléments qui relèvent de l’acquis, d’une construction à la fois sociologique et psychologique. Pour la FSU, c’est très bien que cette théorie soit enseignée dans les cours de SVT. Comme pour un certain nombre de sujets, il ne s’agit pas pour les professeurs de présenter la théorie du genre comme une «Vérité révélée» (une vision profondément fausse du travail des enseignants) mais d’apporter aux élèves un minimum de connaissances en provoquant chez eux la réflexion.

Les détracteurs de la théorie du genre insistent sur son origine américaine, comme pour la décrédibiliser. Pourquoi une telle défiance vis-à-vis des campus d’Outre-Atlantique ?
L’une des raisons de cette affaire, c’est la peur du communautarisme. Tout ce qui vient du monde anglo-saxon est perçu comme s’opposant de front à l’égalitarisme républicain français. Mais si on veut révéler les inégalités entre hommes et femmes ou entre hétérosexuels et homosexuels, on est bien obligés de travailler sur ces sujets ! Dénoncer la théorie du genre comme fausse parce qu’elle est née aux États-Unis, c’est juste une façon commode d’éviter de se poser la question de ces inégalités. C’est vraiment une réaction d’homme blanc hétérosexuel qui ne se sent pas concerné.

Voyez-vous des parallèles entre le refus de la théorie du genre en France et le refus de la théorie de l’évolution par les créationnistes aux États-Unis ?
Il y a évidemment, dans les deux cas, un fond conservateur qui cherche à décrédibiliser toute avancée de la réflexion visant à déconstruire les préjugés. Les conservateurs américains ont donc certainement inspiré nos amis de la droite extrême en France. C’est assez amusant d’entendre ceux-ci dénigrer la théorie du genre parce qu’elle est apparue aux États-Unis alors qu’eux-mêmes sont influencés par les Américains…

Ces dernières années, le contenu des programmes scolaires a déclenché bon nombre de polémiques. Pourquoi ?
Sur la question des genres et de l’identité sexuelle à l’école, les militants de la lutte contre l’homophobie ont réussi depuis plusieurs années à faire évoluer les choses, mais toujours à la marge, à travers par exemple l’ouverture de lignes d’écoute ou la mention de la lutte contre l’homophobie dans les circulaires de rentrée du ministère de l’Éducation nationale. Mais en ce qui concerne le cœur des programmes, c’est la première fois que ceux-ci se font l’écho de la diversité de la société, ce qui explique sans doute la réaction très vive des lobbys catholiques et conservateurs.

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