Femmes tragiques

111027_13thtreim2DesFemmesJeanLouisFernandezLes Dieux de l’Olympe ont-ils établis leur quartier d’automne sur la colline de Fourvière ou les eaux noires du Styx ont-elles charrié leurs funestes présages jusque sur les bords du Rhône ? Toujours est-il que les héroïnes tragiques envahissent les planches lyonnaises en novembre. D’un côté, le théâtre de la Croix-Rousse accueille du 16 au 26 novembre une mise en scène de Bérénice de Racine proposée par Laurent Brethome qui permet à ce dernier de mener une réflexion sur l’intimité des puissants à travers le rejet de la reine de Palestine par le peuple romain. De l’autre, du 9 au 19 novembre le théâtre des Célestins s’associe une nouvelle fois au libano-canadien Wajdi Mouawad qui abandonne temporairement son statut d’auteur dramatique pour se consacrer à la mise en scène d’une trilogie intitulée Des Femmes et composée de tragédies de Sophocle : Les Trachiniennes, Antigone et Electre. Il s’agit ici pour le dramaturge à succès de poursuivre le travail amorcé dans ses propres pièces autour du mouvement tragique qui conditionne inexorablement le destin des personnages. En outre, en convoquant des rockers, dont Bertrand Cantat, pour interpréter le chœur, Mouawad peut paraitre céder à la provocation facile – et sans doute y a-t-il de cela dans son choix – mais il tente surtout de raviver, aux yeux du public du XXIe siècle, le souffre et l’indignation qui habitent les pièces grecques. Ainsi, bien avant Joan Collins ou les Desperate Housewives, nous voici face à des figures féminines en proie aux tourments, tiraillées entre leurs sentiments et l’ordre établi. Il est alors tentant de voir dans les amours contrariées de Bérénice, reine de Palestine, et de Titus, empereur romain, ou dans le combat d’Antigone contre l’injustice au pouvoir, des situations qui parlent à la communauté gay. Séduites ou trahies par des hommes virils qui gouvernent leurs mondes, ces héroïnes tragiques doivent se battre pour faire entendre leur voix et se faire accepter dans un univers qui les ignore. Contraintes à l’exclusion, rejetées dans les marges de la société, victimes de leur choix de vie, Déjanire, Electre et les autres mènent un combat qui se pare d’accents immanquablement gay-friendly. Que le mois de novembre lyonnais soit doux ou frisquet, c’est donc en toge et en spartiates qu’il vous faudra le traverser.

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