“Gare aux hormones déchaînées !”

111101_mediumportraitgrisel1Les éditions Verticales nous permettent de connaître dans son intimité Grisélidis Réal, prostituée suisse affranchie et militante, grâce à l’édition d’une partie de son abondante correspondance.

Grisélidis Réal était une bohémienne. Une voyageuse imprudente et exaltée, aux origines tziganes fièrement revendiquées. De corps en corps, clients ou amours passionnés, en quête de reconnaissance mais toujours du côté des réprouvé(e)s. Une personnalité riche et complexe, aussi fuyante que déterminée, qui se dévoile dans une correspondance passionnante rassemblée par les éditions Verticales. Des premières lettres assez triviales, où il est beaucoup question d’argent, jusqu’aux missives amoureuses les plus exaltées, en passant par les confidences murmurées aux amis, Grisélidis Réal s’écrit en entier. Mère célibataire et prostituée, son parcours est un long combat pour l’autonomie et pour une vie sous le signe de la vérité. Tantôt mère lionne, tantôt fille en mal d’espace et de liberté, la «catin révolutionnaire», ainsi qu’elle se décrit dans les années 1980, cultive l’insoumission et ne transige pas avec ses passions. Ses lettres, présentées chronologiquement, dévoilent une artiste qui se cherche, qui se désinhibe littérairement à mesure que progressent ses tourments.

Haine des bourgeois

Comme un Jean Genet au féminin, Grisélidis Réal a un faible pour les Noirs américains, les prisonniers, les créatures de la nuit et de la rue. Comme l’auteur des Bonnes s’est épris d’Abdallah le Marocain hétérosexuel, elle s’amourache d’un gigolo tunisien homosexuel, Hassine, aussi amoureux que violent. Elle abhorre l’administration, contre laquelle elle lutte pour la garde de ses enfants, pour le droit de se marier avec son taulard méditerranéen. À côté de la paperasse, dit-elle, «la bombe nucléaire est une dragée à la framboise». Elle exècre tout autant les bourgeois suisses, élevés «aux mamelles de Calvin». Grisélidis Réal s’élève constamment contre les empêcheurs de jouir, contre les bien-pensants. Jusqu’à la rage qui, parfois, la fait se transformer en personnage de tragédie : «alors attention, je serai méchante, hargneuse, sanglotante, hystérique, asociale, je serai je ne sais plus quoi ni qui ! Gaffe aux hormones affamées !». Les Mémoires de l’inachevé forment le portrait d’une femme naïve, sensuelle et révoltée qui, malgré ses nombreux problèmes de santé, aura fait preuve de cette énergie – amoureuse, sexuelle et artistique – qui forge les grands destins.

Mémoires de l’inachevé de Grisélidis Réal, éditions Verticales, octobre 2011

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