La Suisse peut-elle sauver l’Europe ?

Massimo furlan, 1973_Avignon_2010À l’heure où les éditorialistes de tous bords se gargarisent de la faillite – aussi bien économique que politique – de l’Europe, la ville de Saint-Étienne choisit de mettre la Confédération helvétique à l’honneur avec un festival.

Made in Suisse se présente comme une manifestation pluridisciplinaire qui s’intéresse aussi bien au théâtre, au cinéma, à l’art contemporain ou à la musique qu’à l’architecture. En ce qui concerne la programmation théâtrale, le festival fait la part belle à la performance et à l’expérimentation. Bien que 1973 de Massimo Furlan, qui rejoue l’intégralité du concours de l’Eurovision de l’année 1973, ne soit pas aussi queer et camp que son intitulé pouvait le laisser supposer – malgré la présence, lors de cette édition, de Patrick Juvet, concourant pour la Suisse – les spectacles sélectionnés permettent de se confronter à une création exigeante où les femmes ont souvent une place importance. Ainsi, Je pense comme une fille enlève sa robe interroge, dans une mise en scène minimaliste et délicate, les ressorts de la prostitution. Dans Voice Over, Marie-Caroline Hominal entreprend de déconstruire le rapport du spectateur au spectacle, interprétant seule sur scène divers personnages identifiés grâce à un jeu sur la déformation de la voix. Dans une veine plus sociale, Deserve confronte fiction et théâtre documentaire afin de dresser une réflexion autour de la notion d’esclavage moderne, convoquant tour à tour Lacan, Genet et les sœurs Papin. Avec KKQQ, spectacle de la 2B Company, c’est le temps qui est mis à rude épreuve à travers la projection de «partitions» d’acteurs sur des tempos différents auxquels répondent les mêmes interprètes, en chair et en os, sur le plateau. Enfin, si vous ne deviez connaître qu’une seule ressortissante de la communauté helvétique, il ne pourrait s’agir que d’Eugénie Rebetez. Dans Gina, cette dernière met en scène son corps, hors des canons de beauté imposés par l’industrie cosmétique, à la fois attendrissant et étonnamment performant – le grand écart latéral vaut le détour. Drôle et attachante, Eugénie Rebetez fait de son enveloppe charnelle l’instrument de son spectacle, générant à l’envie effets sonores et visuels grâce à ses courbes généreuses. Et si le queer se nichait là où on ne l’attendait pas ?

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