Olivier Rey : «Le Lavoir public, lieu pauvre mais sexy»


Olivier Rey est l’animateur du Club Théâtre, qui investit à partir du 2 février un lieu improbable sur les pentes de la Croix-Rousse : le Lavoir public (4 impasse Flesselles-Lyon 1).


 

olivier rey lavoir public pauvre mais sexy heterocliteComment décririez-vous le lieu dans lequel vous vous installez ?
Olivier Rey : C’est un complexe bâti dans le style Art déco durant les années 30, à l’époque du Front populaire et des premiers équipements sociaux. Il regroupait à l’époque un lavoir public et des bains-douches. Ces derniers sont toujours en service et accueillent des clochards, des gens qui n’ont pas de douche chez eux, à qui on a coupé l’eau ou qui font la route, des gens du voyage, des familles entières parfois… C’est donc, historiquement, un lieu de brassage, d’échange, de mixité sociale, où des projets peuvent naître et des luttes se fédérer. On aimerait beaucoup que les deux publics, celui du Lavoir public et celui des bains-douches, puissent se rencontrer ; pour cela, on pourrait imaginer par exemple que les spectateurs du Club Théâtre aillent se laver avant ou après une représentation !

Comment êtes-vous arrivés dans ce lieu ?
Olivier Rey : Le Lavoir public, comme l’École des Beaux-Arts ou la villa Chazière, est une bonne illustration du scandale des nombreux bâtiments et espaces publics vides, laissés à l’abandon sans qu’on sache trop bien quoi en faire. À cette différence près qu’il est géré, non pas par la mairie centrale, mais par la mairie d’arrondissement, dirigée par Nathalie Perrin-Gilbert. La mairie du 1er arrondissement nous a donc autorisés à occuper ce lieu, mais sans nous accorder de subvention : le Lavoir public sera entièrement autofinancé, grâce notamment à son bar et à l’adhésion annuelle obligatoire, fixée à 2€.

Que programmerez-vous ?
Olivier Rey : À partir du 2 février, nous serons ouverts entre quinze et vingt soirs par mois. Notre programmation sera mensuelle afin que nous puissions être réactifs et saisir au vol toutes les opportunités qui s’offrent à nous. Quelques rendez-vous sont d’ores-et-déjà prévus, au rythme d’un festival par mois : du 2 au 5 février, ce sera le week-end d’ouverture, suivi de rencontres qui associeront lecture et électronique ; en mars, le Lavoir abritera le quartier général du festival de cinéma gay et lesbien Écrans Mixtes ; en avril, ce sera au tour du festival des jeux vidéos indépendants français ; en mai, nous proposerons une programmation autour de ce mois de luttes ; en juin, nous organiserons le festival Only Porn, dédié au porno alternatif et queer. Nous voulons montrer au Lavoir public tout ce qu’on ne peut pas voir ailleurs, des choses assez compliquées à mettre en place dans les structurelles artistiques et culturelles déjà existantes : des festivals, donc, mais aussi de la poésie, des lectures, de l’impro, des arts numériques, etc. Une fois par mois, nous accueillerons dans le grand bassin du Lavoir public un invité que nous interviewerons à trois ou quatre, sans le brosser dans le sens du poil. Enfin, on pourra aussi y danser, grâce à un tea-dance queer le dimanche en fin d’après-midi et à une soirée clubbing mensuelle, baptisée Arm aber sexy («pauvre mais sexy» en allemand), en hommage à Berlin !

Comment faire pour que l’ancienne population du lieu, issue des couches populaires, ne soit pas supplantée par des membres de la classe moyenne ?
Olivier Rey : Avec des tarifs très bas ; beaucoup d’activités seront proposées à prix libre et le prix d’entrée des spectacles sera fixé à 8€. On pourra aussi opter pour un pass à 15€ qui permettra d’assister à toutes les activités du Lavoir public pendant un mois. Enfin, nous allons chercher à nous intégrer le plus possible à la vie du quartier, qui comprend notamment une école maternelle, un collège et un lycée. La présence constante des jeunes, l’ouverture permanente, le fait que l’on puisse venir au Lavoir public aussi bien pour boire un café que pour voir du théâtre, facilitent également le brassage social.

 

Un projet de longue haleine
Le Club Théâtre est né il y a deux ans après la mise en scène par Olivier Rey d’un texte de Bertolt Brecht, L’Achat du cuivre, au Théâtre du Point du Jour. Dans cet écrit inachevé, le dramaturge allemand invente une nouvelle manière de faire du théâtre. Inspirés par cette proposition, le jeune metteur en scène et sa bande estiment que ce renouveau du théâtre passe par des représentations dans des lieux inattendus. Ils se mettent alors à la recherche d’un local qui pourrait accueillir leurs expérimentations ; une quête qui trouve son aboutissement dans le Lavoir public. Le Club Théâtre réunit aujourd’hui autour d’Olivier Rey une quinzaine de passionnés. On lui doit notamment l’organisation, l’an dernier, de Pressing, «le talk-show qui défroisse et rafraîchit», un rendez-vous mensuel qui s’empare de sujets de société ou d’actualité de façon engagée et drolatique.

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