gilles leroy Dormir avec ceux qu'on aime credit stephane haskell

Gilles Leroy : “l’ostracisme, le rejet, je les ai vécus”

Gilles Leroy publie au Mercure de France Dormir avec ceux qu’on aime, un récit brûlant et juste sur une histoire d’amour entre l’auteur et un jeune chanteur roumain.

Vous dites écrire sur un «dernier amour». Comment peut-on savoir d’un amour qu’il sera le dernier ?

Gilles Leroy : C’est le postulat littéraire de Dormir avec ceux qu’on aime. Et puis, c’est ce que j’ai ressenti quand je vivais cette histoire avec ce jeune homme, Marian. Je n’étais pas tombé amoureux depuis dix-neuf ans, il m’a semblé que ce sentiment était d’une telle force qu’il ne pourrait jamais revenir.

Qu’a-t-on à l’esprit quand on souhaite écrire un livre sur une histoire d’amour ? Est-ce un thème particulièrement difficile à aborder ? 

Gilles Leroy : Ce n’est jamais le sujet que je choisis qui est difficile, c’est simplement le fait de me lancer dans un nouveau livre. J’en parle souvent avec d’autres amis écrivains : c’est l’énergie qu’il faut déployer à chaque fois qui est le vrai problème. L’écriture est une activité tellement inquiétante… On est seul, empli de doute.

Dans Dormir avec ceux qu’on aime, vous écrivez à propos de votre amant Marian : «j’aime exactement les hommes à ce point de leur vie, quand rien ne les a si fort accablés que leurs yeux sont ternis». Vieillir, c’est d’abord de la tristesse ?

Gilles Leroy : Vieillir, ce n’est pas marrant. Mais je sais aussi que c’est une chance. J’ai perdu mes parents très jeunes et la moitié de mes amis sont morts du sida. Quand vous avez passé la moitié de votre vie entre les hôpitaux et les cimetières, vous appréciez de vieillir. Le contraire serait presque honteux. Pour revenir sur cette citation : sur les cinq histoires d’amour que j’ai vécues dans ma vie, trois des garçons avaient vingt-six ans. J’aime cet âge-là et je crois savoir pourquoi. Il se trouve que moi, à l’âge de vingt-six ans, je n’étais pas encore accablé par la mort de mes parents et de mes amis.

Vous décrivez le sentiment de pesanteur qui peut s’emparer de l’écrivain en période de promotion. Vous n’aimez vraiment pas ça ?

Gilles Leroy : Ça m’a beaucoup amusé pendant un temps. Mais c’est vrai qu’en général, je n’aime pas ça. Je ne fais jamais durer les promotions plus de deux mois.

Recevoir le prix Goncourt en 2007 pour Alabama Song, ça a changé les choses ?

Gilles Leroy : Avec le Goncourt, j’ai vécu dans un tourbillon, moi qui mène une vie de reclus. La tête qui tourne, c’est grisant, mais ça peut aussi donner la nausée. J’ai vécu, après cette récompense, dans un sentiment d’irréalité totale. Antoine Gallimard m’a dit que j’avais le bon âge pour gagner ce prix. Plus jeune, c’est dangereux. Et plus vieux, ça ne sert à rien. Je pense qu’il a raison. Quand je l’ai reçu, j’étais quelqu’un de mûr, j’avais de la distance. J’ai bien compris que ce ne serait qu’une parenthèse dans ma vie.

Il est souvent question d’homosexualité dans vos livres. Est-ce que, pour autant, vous êtes sensibles aux combats LGBT ?

Gilles Leroy : Je surveille ça de près. L’ostracisme, le rejet, je les ai vécus. À l’école, au lycée, ce n’était vraiment pas simple. Au cours de mes voyages, j’ai été choqué de voir que dans certains pays d’Europe, l’homosexualité était très mal acceptée. En Serbie, par exemple, j’ai répondu à la télévision à une question sur ma sexualité. Cela a causé un scandale énorme. L’Institut français a été tagué d’insultes homophobes et de menaces de mort. Le lendemain, mon éditeur a organisé une signature et je voyais des couples de jeunes garçons venir faire signer leurs livres. Ils rasaient les murs, semblaient vivre dans la terreur.

Vous avez reçu le prix Goncourt en 2007, l’année de l’élection de Nicolas Sarkozy. Qu’est-ce que vous pensez de vos bilans respectifs ?

Gilles Leroy : (Rires) Quelle question surprenante ! Moi, j’ai continué mon bonhomme de chemin, j’ai écrit deux livres. En ce qui le concerne, laissons l’Histoire juger. Mais je doute que ce jugement soit très positif.

 

Photo © Stéphane Haskell

 

Gilles Leroy

_28 décembre 1958_ naissance à Bagneux (Haut-de-Seine)
_été 1975_ son bac en poche, il voyage en Union soviétique, où il rencontre Wladimir, qui lui inspirera en 2002 le personnage de Voloria dans son roman (en partie) autobiographique, L’Amant russe (Mercure de France)
_1987_ publie son premier roman, Habibi
_1990_ publie son deuxième roman, Maman est morte, inspiré par le décès deux ans plus tôt de sa mère, emportée par un cancer du sein fulgurant
_2007_ remporte le prix Goncourt pour Alabama Song (Mercure de France), autobiographie fictive de Zelda Fitzgerald, épouse de Francis Scott Fitzgerald
_2010_ Zola Jackson
_2012_ Dormir avec ceux qu’on aime (Mercure de France)

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