vote gay

À l’approche de la présidentielle, peut-on parler d’un “vote gay” ?

Entre ancrage à gauche, désintérêt pour la droite républicaine et attirance grandissante pour l’extrême-droite, y a-t-il un vote gay ? À qui les gays et les lesbiennes apporteront-ils leurs suffrages en avril et mai ?

En cette période pré-électorale, on a vu se multiplier récemment les sondages dits «catégoriels», visant à nous renseigner sur le vote des Français en fonction de leur profession, de leur âge, de leur confession, de leur origine ethnique, de leur localisation géographique et même de leur orientation sexuelle. C’est ainsi qu’est parue en début d’année une note de recherche du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, le CEVIPOF, qui se penche sur le vote gay. Son titre est éloquent : Gays, bis et lesbiennes : des minorités sexuelles ancrées à gauche.

Au même moment, le site du principal mensuel gay français, Tetu.com, révélait les résultats de sa consultation en ligne qui plaçait Marine Le Pen en deuxième position (à 19%) dans les intentions de vote des internautes gays et lesbiens. Enfin, Didier Lestrade, le plus célèbre des activistes homosexuels français, publiait début février aux éditions du Seuil un ouvrage (Pourquoi les gays sont passés à droite) dans lequel il dénonce à la fois la dépolitisation, l’hyper-individualisme et le consumérisme des homosexuels d’aujourd’hui. Que faut-il alors penser de ces données et de ces analyses (en apparence seulement ?) contradictoires ? Pour qui votent les gays et les lesbiennes ? Et d’abord, y a-t-il un vote gay (ou LGBT) monolithique ?

Une “lepénisation” plus lente que chez les hétéros

On pourrait être tenté de relativiser la pertinence de la consultation organisée par Tetu.com, qui autorisait le même internaute à voter plusieurs fois depuis la même adresse IP. Une autre consultation en ligne, proposée par le site communautaire LGBT yagg.com, donnait d’ailleurs des résultats sensiblement différents : la candidate du Front National n’y recueillait plus cette fois que 6% des intentions de vote, derrière Hollande, Joly, Mélenchon et Bayrou. Pourtant, «le sondage de Tetu.com n’est pas farfelu» aux yeux de François Kraus, chef de groupe au département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), qui a rédigé la note de recherche du CEVIPOF. Il est d’ailleurs parvenu à des résultats similaires : les intentions de vote pour la candidate d’extrême-droite culmineraient à 19% chez les non-hétérosexuels (17% chez les homosexuels, 20% chez les bisexuels).

Toutefois, il précise que «la légère augmentation du vote des homosexuels pour l’extrême-droite est à relativiser car la hausse est deux fois moins rapide dans cet électorat que dans l’ensemble de la population». Ce ne seraient donc pas uniquement les homos, mais toute la société française qui serait plus acquise aux thèses frontistes qu’en 2007. Par ailleurs, même si Marine Le Pen réalise de bons scores auprès des LGBT dans cette enquête, elle arrive loin derrière les candidats de gauche qui, rassemblés, dépassent la majorité absolue auprès des personnes LGBT (53%).

Les jeunes et les CSP+ surreprésentés dans l’électorat gay

Inversement, «le rejet de la droite parlementaire est une constante dans cet électorat» précise François Kraus, qui voit là à l’œuvre «des raisons historiques : c’est la gauche qui a dépénalisé l’homosexualité et qui a voté le PACS. Mais il y a aussi un effet de génération». En effet, seuls 34% des homo- et bisexuels déclarés ont plus de cinquante ans (contre 47% dans l’ensemble de la population), ce qui n’est sans doute pas sans incidence sur le vote gay, car les personnes âgées ont tendance à voter plus fréquemment à droite que les autres.

L’une des autres raisons pour lesquelles les homosexuels penchent plutôt à gauche est leur surreprésentation dans les catégories socioprofessionnelles supérieures, plutôt acquises au Parti socialiste et à ses alliés. C’est pourquoi François Kraus estime que les homos «peuvent faire gagner un ou deux points d’intentions de vote à François Hollande». Alors que l’écart entre les deux principaux candidats semble se resserrer, les gays et les lesbiennes feront-ils basculer l’élection présidentielle les 22 avril et 5 mai prochain ?

 

 

Devinette

Les sondages catégoriels, en réduisant l’électeur à une seule dimension, trouvent rapidement leurs limites. Ainsi, sachant que, d’après ces sondages, les agriculteurs, les catholiques pratiquants et les personnes âgées votent majoritairement à droite, mais que les homosexuels et les habitants du Sud-Ouest votent majoritairement à gauche, sauras-tu dire pour quel candidat votera un vieux paysan gay catholique pratiquant du Gers le 22 avril ?

 

Illustration © Vergine Keaton

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