“Dance” de Lucinda Childs : un rêve euclidien

C’est un morceau d’histoire de la création new-yorkaise de la fin des années 70 qu’accueille la MC2:Grenoble les 19 et 20 octobre avec le spectacle Dance de la chorégraphe américaine Lucinda Childs.

 

Le tournant des années 70-80 est une période faste pour les arts de la scène à New York. En marge de Broadway et des spectacles mainstream se développe une scène alternative qui rejette l’esthétique naturaliste alors en vogue. À la fois expérimentales et influencées par l’Extrême-Orient, ces créations sont le fruit d’un groupe d’artistes qui collaborent ponctuellement les uns avec les autres, sans pour autant s’enfermer dans des logiques de troupes. À cette époque, Lee Breuer et les Mabou Mines revisitent les classiques du théâtre européen à grand renfort de marionnettes et de dérision, faisant appel à des artistes contemporains comme Philip Glass pour composer la musique des spectacles. C’est lors d’une collaboration avec Robert Wilson (lors de la création de l’opéra Einstein on the beach) que Lucinda Childs, Philip Glass et Sol LeWitt se rencontrent en 1976. Nourri par la réflexion de Merce Cunningham autour du mouvement, le travail chorégraphique de Lucinda Childs résonne naturellement avec la musique envoûtante de Glass et le graphisme minimaliste de LeWitt.

Abstraction géométrique et onirisme

lucinda childs dance credit sally cohn

En 1979, les trois artistes créent le spectacle Dance. Dans cette pièce, les danseurs, tout de blanc vêtus, exécutent chacun une partition chorégraphique répétitive qui ne connait que d’infimes variations. Le dispositif est accentué par l’habillage vidéo de Sol LeWitt (dominé par la rigueur géométrique d’un quadrillage de lignes noires sur fond blanc) qui projette à grande échelle l’image des danseurs sur le plateau, redoublant ainsi l’effet de répétition. Enfin, à cet impressionnant effet visuel vient s’ajouter la musique de Philip Glass qui égraine sa litanie entêtante. Ce qu’il y a de troublant dans cette reprise qu’accueille la MC2:Grenoble – et qui date de 2009 –, c’est la pérennité qui est donnée à voir, trente années après la création du spectacle. En effet, le film projeté ne représente plus les interprètes qui sont sur scène, mais les danseurs de la version de 1979. Pourtant, les gestes et la cadence sont les mêmes, confondus sur le plateau. La recherche de l’abstraction donne alors naissance à un univers onirique étrange, angoissant et fascinant comme peuvent l’être les rêves, bien plus léger que le travail de création quasi-mathématique ne pouvait laisser le supposer.

Photos © Sally Cohn

 

Lucinda Childs

_26 juin 1940_ naissance à New York
_1962-1966_ participe à la fondation et aux travaux du Judson Dance Theater, un groupe informel considéré comme l’un des pionniers de la danse postmoderne
_1973_ crée la Lucinda Dance Company
_1976_ première apparition (remarquée) au festival d’Avignon, grâce à son solo dans l’opéra Einstein on the beach (musique de Philippe Glass, mise en scène de Robert Wilson)
_1987_ sa création Calyx marque un éloignement de la danse minimaliste et un rapprochement vers un style plus académique
_1995_ dirige son premier opéra, Zaïde, de Mozart, à la Monnaie de Bruxelles
_2012_ dirige et chorégraphie l’opéra Farnace, de Vivaldi, pour l’Opéra du Rhin

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