Édito d’octobre

«C’est une rupture de société. Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera».
(Mgr Barbarin à propos du mariage pour tous sur RCF, vendredi 14 septembre 2012)

Deux bonnes raisons au moins prédisposaient Philippe Xavier Ignace Barbarin, ci-devant primat des Gaules, archevêque de Lyon et cardinal, à être distingué ce mois-ci dans l’éditorial d’Hétéroclite. D’abord, Barbarin, pour un magazine lyonnais, c’est un peu le local de l’étape, pour ne pas dire un motif de fierté chauvine : après tout, le type est quand même cardinal, et des cardinaux, il n’y en a pas tant que ça (actuellement 206 sur un peu plus d’un milliard de catholiques, ce qui prouve une fois de plus qu’il y a, comme disait l’autre, beaucoup d’appelés mais peu d’élus). Ensuite, Barbarin, c’est ce qu’on appelle dans les media un bon client : avec lui, on n’est jamais déçu. Avec Boutin, Vanneste, Barèges et quelques autres, il fait partie de la Congrégation des Bons Samaritains de l’éditorialiste progressiste en manque d’inspiration : ce sont eux qui nous fournissent gratuitement, à nous autres plumitifs pressés par le temps, des sujets d’indignation outrée comme s’il en pleuvait. Las, alors que nous nous apprêtions à sacrifier au rituel de l’éditorial révolté et pour ainsi dire déjà écrit, qu’il nous aurait simplement suffi de réchauffer une minute trente au four micro-ondes de nos colères sur-jouées, survint le drame : non pas la panne d’idées, mais la panne d’envie. Oui, l’apathie et la neurasthénie (la fatigue, peut-être ?) nous guettent ; pire, la perspective de s’enfiler à nouveau (no pun intended, comme on dit finement chez Minute) six mois de débats recuits sur le mariage gay, ou mariage pour tous, ou comme vous voudrez bien l’appeler, nous déprime encore plus sûrement que l’arrivée de l’automne, la chute des feuilles aux branches des peupliers ou celle des cheveux à nos tempes précocement dépeuplées. Ça ne fait pas loin de dix ans qu’on s’écharpe sur la question dans tous les media. De Madonna à Laurent Ruquier et de Lorie à Robert Ménard, tous les plus grands penseurs de ce millénaire naissant ont déjà fait connaître leur avis sur le sujet. Quel argument ou contre-argument pourrait bien être évoqué qui n’aurait pas déjà été avancé mille fois ? Qu’on la vote, cette loi, et qu’on n’en parle plus. Une fois cette indispensable formalité acquise (parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une pure formalité dont le droit français aurait du s’acquitter depuis bien longtemps, et non de cette fabuleuse avancée sociétale que nous vendent les relayeurs de la parole gouvernementale qui tentent de nous refaire le coup de l’abolition de la peine de la mort), on pourra enfin passer à autre chose. Redécouvrir que le mariage, la monogamie, l’adoption, la ponte et l’élevage de gosses ne constituent pas les seuls horizons possibles dans cette société. Que la politique ne se fait pas seulement sous les lambris dorés des ministères, qu’on n’est pas toujours obligé, pour chaque combat, de passer sous les fourches caudines d’une institution régalienne ou d’un élu compatissant prêt à s’apitoyer sur nos malheurs pour peu qu’on vote pour lui en retour. Cette loi ne doit pas être un aboutissement, mais au contraire l’an zéro d’un nouveau départ vers d’autres luttes. Le meilleur reste à venir.

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