Benoît Duteurtre revient avec “À nous deux, Paris !”

Avec son dernier roman, À nous deux, Paris !, l’écrivain Benoît Duteurtre revisite le thème balzacien de la montée à la capitale.

benoît duteurtre copyright David IgnaszewskiPourquoi avoir écrit à nouveau un roman d’apprentissage ?

Benoît Duteurtre : J’ai en effet déjà publié une première série de romans d’apprentissage presque thématiques : découverte du journalisme, des femmes, de l’homosexualité… Je traitais alors ce thème du passage à l’âge adulte de façon assez fantaisiste. J’aime mettre en scène un «candide», sans a priori, plein de désir de se donner aux choses de la vie et qui se heurte à une réalité tantôt brutale, tantôt comique. Et puis, ces dernières années, j’ai voulu revenir à cet apprentissage en ajoutant quelques chapitres manquants : mon adolescence (dans L’Été 76) ou mon arrivée à la capitale. À nous deux, Paris ! est bien sûr d’inspiration autobiographique, mais j’utilise surtout mon vécu comme le miroir d’une époque. Si je devais d’ailleurs trouver un titre pour l’ensemble de mes livres autobiographiques, ce serait «Rien sur moi» (rires).

On sent également l’influence de Michel Houellebecq dans le livre, avec le goût que vous affichez pour une forme de «contextualisation très vaste».

Benoît Duteurtre : Michel Houellebecq est un ami très cher, et un écrivain que j’admire énormément. Mais je ne saurais dire qu’il m’ait influencé. Nous avons commencé à écrire à peu près au même moment, en empruntant le chemin d’un réalisme social, un peu balzacien, qui devait être dans l’air du temps. Nous avons sans doute eu besoin de nous émanciper d’une tradition littéraire héritée du Nouveau roman, avec son écriture très stylisée et ses formes abstraites. Notre société vit un bouleversement cataclysmique : nous avons donc à notre portée des histoires formidables à raconter. La génération d’écrivains à laquelle j’appartiens a sans doute retrouvé le goût du réel.

Comme Houellebecq, comme Muray, vous aimez penser le monde sur le mode d’une certaine déploration.

Benoît Duteurtre : Chez Muray, c’est une déploration plutôt joyeuse… Ce qui me guide, comme ces deux auteurs, c’est un regard très critique sur l’époque contemporaine ; mais je ne crois pas que la satire ou le persiflage soient une forme de déploration. J’aime critiquer la modernité parce que cette dernière est devenue un monstre sacré. Mais pour moi, la vraie modernité (celle que j’aime), c’est justement l’esprit critique.

Vous avez récemment publié dans Libération une tribune raillant la revendication du «mariage pour tous». Pourquoi ?

Benoît Duteurtre : Je pense qu’il n’y a rien de plus convenu, de plus convenable, que cette aspiration au mariage. Même si je respecte les homos qui souhaitent se marier, je souligne le côté conformiste de cette revendication. Désolé, mais je préfère le Pacs. Donc, j’agace un certain milieu homosexuel militant qui défend une doxa de l’homosexualité. Et quand je houspille les minorités agissantes, un type me répond dans Libération (Yannick Barbe, journaliste pour YaggNdlR) : «vous dites la même chose que Marine Le Pen !». Tu parles d’un argument !

L’inégalité des droits ne vous choque pas ?

Benoît Duteurtre : Mais non, l’égalité n’a rien à voir là-dedans ! Vous savez, j’ai été dans les premiers à signer la pétition pour le contrat d’union civile lancée par Didier Eribon. Et personne ne songeait au mariage à ce moment-là. On aurait pu inventer un modèle juridique nouveau. Le mariage n’est pas un truc homo. Le mariage, c’est une vieille institution qui s’effondre, créée pour les hétéros. Qu’on leur laisse !

Vous parlez beaucoup dans vos livres de Paris, qui s’est pour vous transformée en «chef-lieu de province allemande».

Benoît Duteurtre : La touristification de Paris s’est réellement accentuée. Il y avait autour des Halles, quand je suis arrivé, quelque chose de beaucoup plus vivant et imprévu dans la vie nocturne. Mais il se passe la même chose dans la plupart des grandes métropoles. Mon ami Bruce Benderson (écrivain américain, NdlR) a beaucoup écrit là-dessus à propos de New York. Peut-être que la province est plus intéressante aujourd’hui…

 

Photo © David Ignaszewski

 

Benoît Duteurtre

_20 mars 1960_ naissance en Normandie. Il est l’arrière-petit-fils de René Coty, dernier Président de la IVe République (1954-1959)
_1977-1979_ passionné par l’art moderne, il rencontre les compositeurs Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis et György Ligeti, avec lequel il étudie pendant un mois
_1985_ Sommeil perdu, son premier roman, est publié chez Grasset
_1990_ découvrant New-York, il y rencontre le romancier Bruce Benderson
_1995_ Requiem pour une avant-garde (Robert Laffont), pamphlet contre la musique contemporaine
_1996_ La Gaieté parisienne (Gallimard), satire de la vie homosexuelle dans la capitale
_2001_ remporte le Prix Médicis pour Le Voyage en France (Gallimard)
_2010_ Le Retour du Général (Fayard) imagine un retour aux affaires du général de Gaulle, âgé de 120 ans.
_2012_ À nous deux, Paris ! (Fayard)

http://duteurtre.free.fr

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