«Les villes de France doivent s’engager dans la lutte contre l’homophobie»

Rencontre avec Louis-Georges Tin, parrain de la huitième édition du festival Face à Face, venu défendre auprès des autorités municipales de Saint-Étienne son projet d’«IDAHOmètre» : un baromètre, ville par ville, de la lutte contre l’homophobie. En partenariat avec l’Office du Tourisme de Saint-Étienne.

Louis-Georges Tin était le 23 novembre à Saint-Étienne à l’invitation de Face à Face, l’association organisatrice du festival du même nom. Le président du Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) et du comité IDAHO (International Day Against Homophobia & Transphobia) est en effet le parrain de cette huitième édition, axée sur le thème «censure et autocensure». L’occasion également pour lui de rencontrer Nadia Semache, adjointe au maire Maurice Vincent (PS) en charge de la prévention santé et (depuis 2009) de la lutte contre les discriminations.

Au printemps 2012, le comité IDAHO a en effet envoyé aux cinquante plus grandes villes de France un questionnaire (baptisé «IDAHOmètre»), sorte de baromètre servant à mesure la contribution de chaque municipalité à la lutte contre l’homophobie. Car Louis-Georges Tin en est persuadé : «ce combat doit se mener aussi bien dans les grandes instances internationales que sur le terrain. Aujourd’hui, les élus locaux ont beaucoup de leviers entre leurs mains pour faire avancer cette cause, et ce dans tous les domaines (santé, culture, éducation, sport…). Les villes de France doivent donc s’engager dans ce chemin».

L’engagement progressif des municipalités contre les discriminations

Le fondateur de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie (célébrée dans plus de cent pays dans le monde tous les 17 mai depuis 2005), qui n’oublie jamais qu’il est avant tout maître de conférences, se lance alors dans un bref rappel historique : «en la matière, les municipalités ont connu trois étapes. Jusqu’à il y a encore peu, la lutte contre les discriminations ne les intéressait pas et leur action dans ce domaine était inexistante. Puis, elles ont cherché à déléguer cette mission aux associations locales, en leur donnant trois francs six sous. Enfin, plus récemment, certaines d’entre elles ont pris conscience du problème et se sont lancées dans de véritables politiques publiques en faveur de l’égalité, tout en maintenant leur soutien aux associations».

Et de citer le sport comme l’un des secteurs dans lequel les collectivités locales peuvent jouer un rôle moteur dans le combat contre l’homophobie : «les clubs sportifs ont un rôle essentiel dans cette lutte car le sport est à la fois populaire, médiatique et vecteur de modèles, notamment pour les plus jeunes. Mais c’est aussi un milieu dans lequel le virilisme, le machisme et donc l’homophobie (les trois étant évidemment liés) sont très présents. Nous demandons donc aux municipalités la mise en place de mesures de conditionnalité avant tout versement de subvention, car l’argent public ne peut pas être alloué sans qu’il y ait un respect des valeurs républicaines. Si les clubs veulent en bénéficier, ils doivent encourager le respect et la tolérance de chacun.»

Le sport, possible vecteur de la lutte contre l’homophobie

Antoine Blanchard, président de Face à Face, connaît bien ces questions puisque la sixième édition du festival, il y a deux ans, avait justement pour thème «sport et homosexualité». Et il abonde dans le sens de son invité : «l’AS Saint-Étienne a signé en 2010 la Charte contre l’homophobie rédigée par le Paris Foot Gay (équipe parisienne réunissant des joueurs gays et friendly, NdlR), mais sur le terrain et dans les tribunes, les choses n’évoluent pas», déplore-t-il.

«En 2010, quand nous avions choisi cette thématique, beaucoup de personnes n’en voyaient tout simplement pas l’intérêt. Aujourd’hui, elle a pris de l’ampleur et nous nous en réjouissons. 2012 a été une année sans précédent pour les questions relatives à l’homosexualité, qui n’ont jamais été aussi débattues. Mais il ne faut pas se cantonner à un texte législatif ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, même si celui-ci est évidemment très important.”

“Je crois qu’il faut au contraire profiter de ce contexte pour gagner en visibilité dans tous les domaines, y compris dans le sport“, poursuit-il. “Prenons l’exemple des Gay Games (jeux réunissant tous les quatre ans plus de dix mille sportifs gays, lesbiens, bisexuels, trans et/ou hétérosexuel). À chaque édition, des records mondiaux y sont battus. Et pourtant, L’Équipe n’y consacre jamais une ligne ! On peut affirmer, sans être parano, qu’il y a une véritable omerta sur ce sujet.»

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