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Pour son édition 2013, le festival Écrans Mixtes joue sur le travestissement

Pour sa troisième édition, le festival Écrans Mixtes rappelle que de tous temps et sous toutes les latitudes, la représentation du travestissement a été intimement liée à celle de l’homosexualité. Petit rétropédalage.

Il faudrait commencer bien avant l’invention du cinéma pour avoir une idée de l’importance de la place des travestis et du travestissement dans la société du spectacle mondiale. C’est d’ailleurs ce que fait Chantal Aubry dans un beau livre qui est aussi un stimulant essai historique (et féministe) sur le travestissement dans l’art, des onnagata japonais aux acteurs shakespeariens contraints aux rôles de femmes, de la tradition grecque aux chorégraphies contemporaines.

Dans La Femme et le travesti (éditions du Rouergue), elle nous dit l’importance permanente de ce «brouillage des sexes et des genres», même s’il ne faut pas se faire d’illusions : «le travestissement n’est devenu véritablement subversif qu’à partir du XXe siècle», rappelle-t-elle, «lorsqu’il a pu devenir volontaire et s’afficher dans toutes les capitales du monde. C’est là, et là seulement, qu’il a aidé à penser les rapports de pouvoir. Mais, quels que soient l’époque et le contexte culturel (…), le travestissement a toujours été, malgré l’opprobre, un vecteur de créativité. Il le reste, et porte l’art et la théâtralité jusqu’à leur point d’incandescence».

Une affaire comique avant tout

Dès lors, est-il étonnant que l’art du XXe siècle par excellence, le cinéma, ait lui aussi entrouvert la porte à la confusion des genres (et donc à l’homosexualité) via le stratagème du travestissement, ressort comique vieux comme le monde ? Évidemment non. On constate donc, dès l’avènement des courtes bandes burlesques, une prolifération d’hommes habillés en femmes pour d’improbables raisons, mais avec comme constance de toujours provoquer le rire des spectateurs en raison de leurs difficultés à s’arranger de cette nouvelle identité (talons douloureux, barbe apparente, démarche de déménageur…). Mais derrière ce ridicule pointe bien souvent un trouble sexuel inattendu, dont le sommet se trouve certainement chez Charlie Chaplin dont le Mam’zelle Charlot (1914) pousse aussi loin que possible l’ambiguïté sexuelle.

On ne s’amusera pas ici à dresser l’interminable liste des comédies populaires qui vont, du cinéma hollywoodien au cinéma français, faire leur miel de ces situations toujours réinventées. De Victor Victoria (dont la première version, allemande, date de 1931 et la dernière de 1982) à La Cage aux folles (1978), de Sylvia Scarlett (1936) à Priscilla, reine du désert (1995), des femmes vêtues en hommes aux drag queens, des reines de cabaret aux hommes empruntant les tenues du sexe opposé pour une raison bien précise (Tootsie, 1982, ou Madame Doubtfire, 1993), le travestissement est avant tout affaire comique. Manière certainement de dédramatiser, de rendre en apparence plus acceptable, plus supportable, aux yeux du grand public, le flottement identitaire et sexuel induit par ces situations.

Une programmation à la croisée des genres

Toutefois, même si cela est souvent réjouissant, c’est très limité. Heureusement, au fil du temps, des cinéastes ont diversifié leurs approches et offert des visions plus noires, plus réalistes, plus complexes en tous cas du travestissement. C’est cette diversité qu’illustre d’ailleurs la belle programmation intitulée Sweet transvestite.

Hommage au célébrissime «travesti de Transsexuel en Transylvanie» du délirant Rocky Horror Picture Show, cette programmation allie donc la comédie (musicale et folle) avec ce film de 1975, le drame le plus poignant avec Le Baiser de la femme araignée (1985) où un travesti homo et un prisonnier politique apprennent à se connaître et se respecter en cellule, mais aussi le documentaire via le très culte Paris is burning (1990) et ses incroyables participants aux concours de voguing. Tourné dans l’Espagne postfranquiste, Ocaña (1978) dessine quant à lui le portrait d’un peintre n’ayant jamais abdiqué sa singularité, tandis que Crossdresser (2010) laisse la parole à une série d’hommes hétéros trouvant leur plaisir dans le travestissement.

Sans prétendre à faire le tour d’une thématique aux mille représentations, Écrans Mixtes offre ainsi un aperçu passionnant de quelques-unes de ses facettes.

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