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Faut-il interdire le porno (aux hétéros) ?

La décision du gouvernement islandais de restreindre l’accès aux sites classés X relance la vieille querelle des féministes autour du porno.

Les malheureux Islandais avaient déjà Björk et l’Eyjafjöll, voilà qu’une troisième calamité pourraient bientôt s’abattre sur leurs têtes : au risque de rendre encore plus longues leurs déjà interminables nuits d’hiver, le gouvernement de Reykjavik (par ailleurs le seul au monde à être dirigé par une femme ouvertement lesbienne) a annoncé début février son intention de bloquer l’accès par des mineurs aux sites pour adultes. La raisons invoquée pour justifier cette censure unique en Occident est bien connue : la protection des mineurs et des femmes, dont l’image serait violemment dégradée par le porno.

Des féministes contre la «marchandisation des corps»

L’accusation n’est pas nouvelle : la question de la pornographie (comme celle de la prostitution, à laquelle elle est étroitement liée) est une pomme de discorde pour les féministes. Avec l’apparition, dans les années 60, d’une «seconde vague féministe» (succédant à la première, focalisée sur l’égalité juridique entre hommes et femmes et principalement sur le droit de vote), l’opposition traditionnelle à la pornographie (principalement pour des raisons conservatrices et/ou religieuses) s’est doublée d’une critique féministe de l’industrie du X, alors en plein essor. Ces films (et ces revues) réalisés par et pour des hommes sont accusées de soumettre les femmes au désir masculin et de les ravaler au rang de simples objets sexuels.

Comme dans les débats autour de la prostitution ou de la gestation pour autrui, l’argument de la «marchandisation des corps» est fréquemment invoqué : dans un monde où tout se vend et tout s’achète, la sexualité devrait rester un domaine sanctifié où l’argent n’aurait pas sa place. Pire encore : la pornographie encouragerait les agressions sexuelles contre les femmes et les enfants («la pornographie, c’est la théorie ; le viol, c’est la pratique» écrira ainsi la féministe américaine Robin Morgan en 1974). Et la prétendue «libération sexuelle» qu’elle est sensée incarner serait en réalité une aliénation, un nouvel «opium du peuple» («on asservit plus facilement les peuples avec la pornographie qu’avec des miradors», selon la formule de Soljenitsyne, pourtant peu suspect de sympathie à l’égard du mouvement féministe…).

Un porno féministe est-il possible ?

La pornographie a aussi ses défenseurs parmi les militantes des droits des femmes, particulièrement chez celles se réclamant de la «troisième vague féministe», apparue au début des années 90 en réaction aux manquements (ou perçus comme tels) de la vague précédente. Sans nier que la sexualité, comme n’importe quelle autre type de relation humaine, puisse être affectée par les rapports de domination sexistes qui structurent l’ensemble de la société, certaines féministes de la «troisième vague» cherchent à en donner une vision plus optimiste («sex-positive» en anglais). C’est ainsi qu’elles défendent par exemple l’idée qu’une femme peut librement faire le choix de la prostitution (et que ce choix doit être respecté), ou encore qu’il est possible pour les femmes de se réapproprier les codes de la pornographie traditionnelle en les détournant.

Et bien souvent, ce sont des actrices X qui ont pris les choses en main (si l’on peut dire…) et sont passées derrière la caméra pour réaliser des films plus conformes à leurs désirs et à leurs aspirations esthétiques : Nina Hartley, Annie Sprinkle ou Candida Royalle aux États-Unis ou Ovidie en France ont ainsi chacune à leur manière contribuer à réinventer le genre, très loin des productions «bourrines» du premier samedi du mois sur Canal +… Pour beaucoup d’entre elles, ce passage derrière la caméra se double d’un travail d’éducation à la sexualité, via des livres ou des vidéos. Avec la conviction fermement ancrée en elles qu’assumer une subjectivité féminine jusque dans les bastions du machisme, combattre le stigmate de la honte qui frappe le corps et la sexualité des femmes, c’est aussi d’une certaine façon faire honneur aux valeurs féministes.

 

À voir

Mutantes (Féminisme Porno Punk) : diffusé récemment à Lyon, au Lavoir public, dans le cadre du festival Only Porn, ce documentaire de Virginie Despentes (2009) interroge plus d’une quinzaine d’actrices, réalisatrices, artistes ou intellos féministes sur la question du X, avec une approche résolument pro-sexe. Dense et très touffu par le nombre de thématiques abordées, il constitue cependant une bonne introduction pour commencer à réfléchir à ces problématiques.

 

Photo : Vixen (1968) de Russ Meyer

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