Call me Kuchu david kato

Le festival Vues d’en Face 2013 entre drame et légèreté

À Grenoble, le festival Vues d’en Face propose un large panorama de la production LGBT récente, où l’homophobie la plus violente côtoie des films plus légers sur le mode de la comédie musicale et de la romance adolescente.

La virulence des débats autour du mariage gay en France a rappelé à qui l’aurait oublié à quel point l’homosexualité ne va pas de soi pour certains et combien l’homophobie est prompte à resurgir. Avec le panorama que propose le festival Vues d’en Face, on constate combien cette hostilité reste relativement tempérée ici quand elle se déchaîne sous d’autres latitudes.

La situation en Ouganda est une des plus tragiques, puisque sous la pression notamment de fondamentalistes chrétiens évangéliques (soutenus par les musulmans radicaux), la classe politique cherche à y durcir les lois contres les homosexuels, de lourdes peines de prison et la peine de mort étant désormais au programme. Mais la violence homophobe n’est pas que politique, elle émane de toute la société ougandaise : c’est ce qu’on constate à la vision de l’impressionnant documentaire Call Me Kuchu.

Réalisé par deux Américaines (Katherine Fairfax-Wright et Malika Zouhali-Worrall), ce film dresse le portrait de militants LGBT et de leur lutte quotidienne dans ce pays où le principal activiste gay, David Kato, a été assassiné début 2011. Très justement récompensé à Berlin d’un Teddy Award, Call Me Kuchu est une prise de conscience de la réalité de l’homophobie à son paroxysme. Aucun des autres films au programme du Festival Vues d’en face, heureusement, ne montre de situation aussi terrible.

Trois films sur des sociétés hostiles

Toutefois, les héros et héroïnes de Soongava, Una noche ou Alata se heurtent tous à des sociétés hostiles et leurs désirs n’y résistent pas toujours.

Les deux jeunes femmes de l’élégant Soongava, premier film du Franco-népalais Subarna Tharpa, n’auront guère de temps pour voir fleurir leur amour. Et même si cette histoire se termine sur une note d’espoir, le poids des traditions (religieuses, familiales…) ne s’en fait pas moins sentir de façon dramatique.

Elio, l’un des trois jeunes héros de Una noche, est lui aussi en bute à un environnement fort peu tolérant lorsqu’il découvre son attirance pour Raul, qui vit d’expédients et ne pense qu’à fuir Cuba. La sensualité de la mise en scène de l’Américaine Lucy Mulloy renforce l’intensité du regard qu’elle porte sur un pays dont la jeunesse, brimée dans ses aspirations (économiques, culturelles, sexuelles…), ne rêve que d’autres horizons pour vivre sa vie.

Una noche de Lucy Mulloy festival Vues d'en Face

Ce à quoi se heurte Nimer dans Alata est double, puisque, dans son amour pour Roy, un juif israélien, cet étudiant palestinien transgresse non seulement les lois très strictes de son pays envers l’homosexualité mais aussi les lois religieuses, ce qui l’oblige en outre à s’exposer à la méfiance des Israéliens lorsqu’il s’installe à Tel Aviv. On retrouve dans ce film noir et tendu signé Michael Mayer des thèmes déjà abordés par Eytan Fox, le grand cinéaste hébreu de l’homosexualité, dans The Bubble – on notera d’ailleurs que le festival diffuse deux films formidables de Fox, Yossi et Jagger et sa suite, Yossi.

Vogue !

Leave It On The Floor

C’est sur un mode qui n’est pas sans rappeler Glee que Leave It on the Floor déroule ses moments musicaux colorés et ses passages plus dramatiques et sentimentaux. On y suit la découverte du monde de la nuit et de ses créatures baroques, du voguing et des concours de posture par Brad, jeune Black sexy chassé par sa mère en raison de son homosexualité. Entre extravagances, amitiés et amours compliquées, le film de Sheldon Larry tente de ressusciter l’esprit de Paris is Burning, le génial documentaire que Jennie Livingston avait consacré au phénomène des balls new-yorkais il y a vingt ans. Si Leave It on the Floor reste agréablement superficiel dans son regard sur un mode de vie où les paillettes font écho à la misère sociale, le festival offre la possibilité de se replonger dans la gravité magnifique de Paris is Burning, rediffusé ici.

Premiers émois

Enfin, Sur le chemin des dunes, premier long métrage d’un Belge dont les courts ont conquis les festivals LGBT du monde entier, confirme le talent de Bavo Defurne à traiter avec sensibilité et délicatesse des si fragiles amours adolescentes. Rien de très nouveau dans cette chronique tendre de l’affirmation de soi, mais une justesse des sentiments, des personnages et des situations qui ne peuvent laisser de marbre.

Festival Vues d’en face, du 12 au 21 avril au cinéma Le Club, 9 bis rue du Phalanstère-Grenoble / 06.88.70.75.64 / www.vuesdenface.com

 

 

À voir

Call Me Kuchu, dimanche 14 avril à 16h30
Una noche, dimanche 14 avril à 21h30
Sur le chemin des dunes, mercredi 17 avril à 20h
Yossi, jeudi 18 avril à 22h
Yossi & Jagger, vendredi 19 avril à 18h
Alata, vendredi 19 avril à 20h
Paris is burning, samedi 20 avril à 14h
Soongava, samedi 20 avril à 16h30
Leave It on the Floor, samedi 20 avril à 19h

 

 

Photo de Une : Call Me Kuchu
Photo 2 : Una Noche
Photo 3 : Leave It On The Floor

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