Luc Bondy met en scène “Le Retour” d’Harold Pinter avec Louis Garrel

Pas de chanson d’amour pour Louis Garrel dans cette mise en scène de la pièce Le Retour d’Harold Pinter par Luc Bondy, mais plutôt un trop-plein de fantasmes et de concupiscence dévoilé par d’assourdissants silences.

Avec sa distribution chic et bobo, Le Retour pourrait passer pour un spectacle «paillettes» destiné à attirer le chaland. Mais pourquoi se priver d’aller admirer sur scène Louis Garrel, Pascal Greggory et Emmanuelle Seigner, si c’est en plus l’occasion de découvrir l’écriture complexe (oscillant entre propos apparemment banals et non-dits lourds de sens) du prix Nobel de Littérature 2005 ?

Comme souvent chez Pinter, l’intrigue du Retour semble au premier abord assez simple : Teddy, professeur de philosophie qui vit et travaille aux États-Unis, vient rendre visite à son père, Max, à Londres, après plusieurs années d’absence. Néanmoins, non seulement Teddy débarque au beau milieu de la nuit sans avoir averti son père ou ses trois frères (Sam, Lenny et Joey) qui vivent dans la maison familiale, mais il arrive avec sa femme, Ruth, alors qu’il n’a prévenu personne qu’il était marié et père de trois enfants. Le secret entourant la visite fait alors basculer la situation apparemment banale dans l’étrangeté.

Or, cette configuration de l’intrigue fait écho au style même de l’écriture pintérienne. En effet, Pinter est un des fers de lance d’une «dramaturgie de la parole» apparue en Grande-Bretagne dans les années 1960 et dans laquelle le réalisme et le caractère anecdotique des propos s’opposent aux silences et aux non-dits, sources de destruction et de violence.

Interroger la masculinité

Dans Le Retour, la présence de Ruth au cœur de cet univers masculin fait naître fantasmes et concupiscence derrière les échanges policés et anodins. Elle est l’intruse qui met à mal le délicat équilibre familial. On pourrait alors voir dans la pièce de Pinter un texte misogyne, réduisant la femme à un objet de désirs masculins. Ce serait cependant tirer des conclusions hâtives. Car le père et ses fils, enfermés dans la maison familiale dont personne ne semble capable de s’éloigner, ne sont finalement qu’une représentation de l’homme aux différents âges de sa vie. De Joey (Louis Garrel) à Max (Bruno Ganz) en passant par Sam (Pascal Grégory), ce sont les étapes d’une même vie qui sont données à voir au spectateur.

Loin de n’être qu’un objet sexuel, Ruth (Emmanuelle Seigner) est l’élément déclencheur, le grain de sable dans le rouage qui vient mettre à mal les certitudes de chacun et bousculer les fragiles compromis avec lesquels tous tentent de s’accommoder. La femme n’est donc pas seulement la proie convoitée, elle devient également l’élément qui pousse les hommes à interroger leur masculinité.

 

Le Retour du 4 au 10 avril 2013 à la MC2, 4 rue Paul Claudel – Grenoble / 04.76.00.79.79 / www.mc2grenoble.fr

 

Photo © Ruth Walz 

 

Harold Pinter

_1930_ naissance à Londres
_1957_ il publie sa première pièce, La Chambre, qui est montée la même année
_1958_ sa deuxième pièce, L’Anniversaire, subit tout d’abord un échec commercial et critique cuisant, avant d’être reconnue comme l’une des œuvres les plus importantes du théâtre anglais de l’après-guerre
_1962_ écrit le scénario de The Servant, qui sera adapté l’année suivante à l’écran par Joseph Losey
_1978_ Trahisons
_1988_ Mountain Languages
_1998_ Ashes to Ashes
_2003_ il s’engage dans le mouvement contre la guerre en Irak
_2005 _ il reçoit le Prix Nobel de Littérature et délivre à cette occasion un discours très critique envers Tony Blair et George W. Bush
_2007_ il est fait chevalier de la Légion d’honneur
_2008_ il meurt à Londres le 24 décembre, d’un cancer de l’œsophage

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