Édito de juin : Xavier Dolan, Indochine et le culte de la victime gay

«Xavier, très cher Dolan. Sors donc de ta sphère hype, de ta cinémathèque personnelle exiguë, regarde le monde, arrête d’écouter Indochine. Va, vis et deviens.»

(François Cau sur Rue89Lyon.fr, 7 mai 2013)

Editojuin

Quand Xavier Dolan met en scène le clip d’une chanson dont les paroles sont signées par Nicolas Sirkis, c’est un peu comme si un Cyril Lignac dérangé décidait de mélanger les recettes du cassoulet toulousain et de la tartiflette savoyarde : on sait d’avance que le résultat sera particulièrement lourd et indigeste. On n’attendait donc rien de bien léger de la collaboration de ces deux compères qui, chacun dans son domaine respectif, n’ont jamais brillé ni par leur subtilité ni par leur finesse. Mais à ce point-là… Le vrai scandale de ce clip, ce n’est pas tant la violence de ses images que la putasserie racoleuse de son message. Car il ne dit rien d’autre au final que ce que de nombreuses personnes LGBT, hélas, rêvent d’entendre : «vous êtes des victimes, la société toute entière est contre vous !». Ce n’est évidemment pas Hétéroclite qui contestera la réalité de l’homophobie, particulièrement au sein de l’école, ni la nécessité de lutter contre les préjugés et les discriminations. Ce qui est problématique en revanche, c’est que depuis une dizaine d’années tout le militantisme gay et lesbien ne tourne quasiment plus autour que de cette unique question (exit le sida, la visibilité, l’intégration de chacun au sein de la communauté…) et que seules les associations qui ont fait de ce combat leur cheval de bataille, comme SOS Homophobie ou Le Refuge, accèdent à une visibilité médiatique, au détriment de toutes les autres. Et le plus gênant dans ce discours aujourd’hui dominant chez les gays et les lesbiennes, c’est que les personnes visées par l’homophobie ne sont jamais présentées comme parti prenante de la solution à apporter à ce problème. Ce ne sont plus des sujets capables de riposter ou de lutter pour leurs droits et leur dignité, mais des victimes passives, tout juste bonnes à faire pleurer dans sa chaumière la ménagère hétérosexuelle de moins de cinquante ans (et la chanteuse Jenifer, marraine de l’association Le Refuge !).

À force de marteler le même message, l’association d’idées devient automatique : jeunes LGBT = discriminations, persécutions, mal-être, dépression, suicide. Or, s’il est incontestable que les gays et les lesbiennes de 15 à 24 ans présentent un risque presque quatre fois plus élevé de tentative de suicide, on en finirait presque par oublier qu’une majorité d’entre eux, fort heureusement, se débrouille comme elle peut pour faire face à l’adversité que suscite parfois la révélation de leur orientation sexuelle et traverse la période difficile de l’adolescence sans finir au bout d’une corde. Pour que les ados homosexuels, bi ou trans se sentent mieux dans leur peau, il est impératif qu’ils s’acceptent tels qu’ils sont. Et on ne les y aidera pas en les présentant toujours sous un angle compassionnel et misérabiliste : quel jeune peut avoir envie de s’identifier à une victime ?

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