Pourquoi les Femen nous ont déçus

«What can be more stupid then Ramadan? What can be more uglier then this religion?»
(Inna Shevchenko, fondatrice des Femen, sur son compte Twitter, le 9 juillet 2013)

Parmi toutes les critiques qui se sont abattues ces derniers mois sur les Femen, certaines nous ont paru dès le départ pleinement justifiées et légitimes mais d’autres, à l’inverse, nous ont longtemps laissé de marbre : c’est le cas par exemple de l’accusation un peu trop mécanique d’«islamophobie». À vrai dire, on était plutôt content de voir un mouvement radical allier ainsi féminisme, défense des droits LGBT et critique de la religion, d’autant plus que la leader des Femen, Inna Shevchenko, avait pris soin de préciser qu’elle n’était «pas islamophobe mais religiophobe». Mais même prises sous cet angle, a priori non-discriminant, les actions et les déclarations des activistes ukrainiennes ne manquent pas de poser question. On se souvient qu’elles avaient dû fuir leur pays natal après avoir tronçonné une croix de bois à Kiev. Un geste radical, mais dont on pensait encore à l’époque qu’il pouvait se justifier par le contexte ukrainien, marqué par une immixtion de la religion dans les affaires publiques beaucoup plus forte qu’en France. On se souvient aussi peut-être de ces manifestantes affichant sur leur poitrine dénudée l’inscription «Muslim women, get naked !». On comprenait bien que c’était là le voile, la burqa et leurs différents avatars qui étaient visés,mais le message avait un fort côté injonctif qui nous avait paru à tout le moins malavisé et peu conforme à l’éthique du féminisme. puis, ce fut l’intrusion seins nus dans la cathédrale notre-Dame-de-paris pour y faire sonner les cloches, une provocation inutile qui nous avait semblé très éloignée, dans le geste et dans l’esprit, des kiss-in pacifiques qui s’étaient tenus il y a quelques mois devant plusieurs églises de France. Enfin, il y eut, au début de l’été, ce tweet houellebecquien en diable d’Inna Shevchenko, établissant une hiérarchie entre les religions et livrant une interprétation très univoque d’une pratique religieuse, le ramadan, qui mériterait une analyse un peu plus longue que 140 caractères. Le point commun de tous ces coups d’éclat et propos antireligieux ? Une maladresse et un manque de discernement qui laissent pantois. Alors que dans toute l’Europe le racisme à l’égard des musulmans explose, la critique de l’islam, entre autres, n’a besoin ni de grandes gueules, ni de provocatrices, mais d’une finesse d’analyse qui semble cruellement faire défaut aux Femen. En calquant sur l’islam de 2013 les schémas des luttes anticléricales du début du XXe siècle, elles se condamnent au mieux à l’inefficacité, au pire à la récupération par l’extrême-droite. Les Femen ne sont sans doute ni les nouvelles Mariannes que veulent voir leurs panégyristes, ni les croisées “islamophobes“ que dénoncent leurs détracteurs. peut-être sont-elles juste complètement à côté de la plaque et en tout état de cause incapables de concrétiser l’espoir que nous avions initialement placé en elles : celle d’une critique radicale, mais laïque et tolérante, de TOUTES les religions au nom des droits des femmes et des homosexuels.

Photo : Femen à Paris le 31 mars 2012 (© Joseph Paris)

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.