Paye ta Chatte

Dans la plantation familiale des rives du Mississippi où l’on s’apprête à fêter le dernier anniversaire du patriarche, Maggie-la-chatte se consume d’amour et de désir pour son mari Brick, qui ne l’a plus touchée depuis la mort de son meilleur ami Skipper…

Pour apprivoiser cette Chatte sur un toit brûlant, il faut commencer par faire son deuil de la légendaire distinction aristocratique du Sud : ici, le vieux Grand Papa (à qui l’on fait croire qu’il a une santé de fer alors qu’il se meurt d’un cancer) clame à son fils son désir de «sauter des nanas» et sa femme Grand Maman, avec sa robe à fleurs et son amour maternel envahissant, semble tout droit sortie d’une comédie pied-noir d’Alexandre Arcady. On passe ainsi d’une scène à l’autre du drame à la farce et du burlesque à la comédie de boulevard. Ce mélange des genres, cette trivialité, même s’il faut bien dire qu’ils désarçonnent au premier abord, permettent à la mise en scène de Claudia Stavisky de s’affranchir de l’ombre écrasante de l’adaptation cinématographique par Richard Brooks de la pièce de Tennessee Williams. Plutôt que de pasticher le mythe ou de tenter vainement de recréer un âge d’or, la codirectrice des Célestins inscrit immédiatement le récit dans la contemporanéité grâce à la traduction de Daniel Loayza. Ce qui ne l’empêche pas par ailleurs de soigner les costumes, la scénographie et le décor : les arbres que l’on aperçoit en arrière-plan parviennent à créer durablement l’illusion que l’on est encore en plein air, au château de Grignan où le spectacle a été créé cet été. Sur les planches des Célestins, c’est évidemment Maggie (Laure Marsac) qui se taille la part de la lionne, jamais vaincue et toujours battante. Quant à son mari Brick (Philippe Awat), lui que l’on pensait au départ traité sur mode mineur, avec sa voix de basse, sa lassitude et ses errances fantomatiques en fond de scène, lui que l’on avait d’emblée catégorisé parmi les homosexuels refoulés et honteux parvient pour de brefs instants à ébranler nos certitudes : et s’il ne (se) mentait pas, s’il s’était joué, dans sa relation avec Skipper, quelque chose qui nous échappe et que les mots “amitié“, “amour“, “désir“, “sexualité“ ne peuvent définir ?

Chatte sur un toit brûlant, jusqu’au 20 octobre aux Célestins 4 rue Charles Dullin-Lyon 2 / 04.72.77.40.00 / www.celestins-lyon.org

Photo : Laure Marsac (Maggie) et Philippe Awat (Brick) © Christian Ganet

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