Gwenaël Morin, nouveau directeur du Théâtre du Point du Jour à Lyon : la permanence comme expérience de la beauté

Gwenaël Morin, à la suite de Michel Raskine, a pris la tête du Théâtre du Point du Jour où il s’est installé avec sa troupe, le Théâtre permanent.

Le Théâtre permanent s’installe au Point du Jour. Pouvez-vous définir l’idée qui sous-tend ce projet ?

Le Théâtre permanent est une idée assez simple : il s’agit de faire en sorte que la flamme ne s’éteigne jamais, que le théâtre soit en permanence activé, que ce théâtre-là soit rendu public le plus souvent et le plus longtemps possible, ouvert au maximum non seulement en nombre de jours mais également en termes de possibilités pour s’y impliquer. Cela présuppose donc qu’il y ait une équipe artistique au travail en permanence, totalement engagée dans le théâtre, une troupe qui s’investisse au jour le jour dans l’animation du théâtre.

Actuellement, de combien de personnes est composée cette troupe ?

Il y a une souche de six acteurs, engagés pour l’ensemble du projet, ce qui en soit n’est pas énorme mais correspond au niveau de financement d’un théâtre comme le point du Jour. Mais en même temps, une troupe de six acteurs, ça permet de travailler sous forme de commando, de manière assez souple. Au-delà d’un certain nombre d’acteurs, on bascule dans une forme d’organisation différente. Alors que dans une équipe réduite, tout le monde est au courant de ce que fait tout le monde et donc chacun peut apporter sa contribution au travail des autres et au travail d’ensemble. Là, cependant, la configuration est un peu particulière, puisque nous allons ouvrir avec une troupe de douze jeunes acteurs professionnels, une sorte de relève symbolique de la troupe habituelle.

Pourquoi pensez-vous qu’il soit nécessaire de travailler avec une troupe permanente ?
Travailler avec une troupe dans un théâtre contribue à faire des économies d’énergie. Parce que ce qui coûte cher en fin de compte, c’est de changer en permanence d’équipe, de mode de travail. Ce qui produit au final une attitude de consommateur chez le spectateur qui vient voir un objet théâtral, puis un autre, puis un troisième qui éventuellement compensera les déceptions générées par l’objet précédent. Alors que le fait qu’une troupe soit à l’œuvre sur une longue période place au centre non pas l’objet fini mais les êtres humains qui s’engagent dans cette mission-là, permettant de faire naître la rencontre avec les spectateurs. Évidemment, on prend le risque que la rencontre ne se fasse pas, que les spectateurs ne viennent pas. Mais c’est pour cela que le théâtre bénéficie de l’argent public, parce que, s’il fallait promettre des résultats sur investissement, je ne serai pas là. Il y a quelque chose d’inestimable, d’incommensurable dans l’engagement artistique qui ne saurait être chiffré a priori. C’est comme dans une relation amoureuse, il n’y a pas de garantie sur investissement dans le premier baiser.

Comment ont été guidés vos choix de programmation ?

Les textes que nous allons jouer sont des espèces de lieux communs, c’est-à-dire des grands auteurs classiques du domaine public : Molière, Shakespeare, Sophocle, Tchekhov. Ce ne sont pas vraiment des choix, mais presque un principe de hasard, une manière de ne pas choisir. Monter Molière, ce n’est pas très original. Mais cela nous met face à la nécessité de nous inventer nous-mêmes, de nous libérer de Molière. pas par sarcasme, mais en découvrant cette part de nous que recèlent ces oeuvreslà. Je suis persuadé qu’il y a une part de nous, une part de moi, dans ces chefs d’oeuvre-là, à la découverte de laquelle je veux aller. C’est du théâtre contemporain car il ne s’agit pas d’exalter le passé ou de produire du décalage. Il faut prendre ces auteurs-là avec autant de sérieux et d’implication que l’art contemporain. Ces oeuvres sont une part de notre réalité. Ce qui en fait la beauté, c’est qu’elles contiennent en elles une sorte de permanence, de puissance inaltérable et inaliénable, qui nous dit quelque chose de l’Humanité.

Dom Juan de Molière, à partir du 3 septembre à 20h au Théâtre du Point du Jour, 7 rue des Aqueducs – Lyon 5 / 04.72.38.72.50

 

Gwenaël Morin
Né en 1969, Gwenaël Morin décide de se consacrer au théâtre après quatre années d’études d’architecture. À partir de 1998, il met en scène Beckett, Adamov, Strindberg, Garcia Lorca, Kane, Schiller, Camus, Sophocle ou encore Musset. En 2009, il investit les Laboratoires d’Aubervilliers avec sa troupe, le Théâtre permanent et met en scène Molière, Racine, Shakespeare, Sophocle et Büchner. De septembre à décembre 2012, il a proposé Antiteatre/40 jours, une exploration de quatre pièces majeures du dramaturge allemand Rainer Werner Fassbinder au Théâtre du point du Jour, qu’il dirige depuis le 1er janvier 2013.

 

Photo : Gwenaël Morin (© Pierre Grosbois)

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