Édito d’octobre : de la difficulté de répondre à l’homophobie en Russie

«Une interdiction absolue des Jeux Olympiques d’hiver 2014 en Russie à Sotchi est tout bonnement essentielle. Il faut à tout prix que Poutine ne puisse pas avoir l’approbation du monde civilisé.»

(Lettre ouverte de Stephen Fry au Premier ministre britannique David Cameron et au Comité International Olympique, 7 août 2013)

 

Tiens, on parle un peu moins de la Russie en ce moment… C’est sans doute signe qu’il est temps d’en remettre une couche. Car si l’attention des médias (Hétéroclite compris) pour la situation des LGBT russes fluctue, leurs difficultés, elles, restent constantes et terrifiantes. Pendant tout l’été, depuis le vote par la Douma de cette fameuse loi réprimant «la propagande de l’homosexualité auprès de mineurs», les militants et sympathisants LGBT du monde entier se sont demandé comment réagir face à cette homophobie grossièrement dissimulée sous le sempiternel prétexte de la protection de l’enfance : kiss-ins devant ambassades et consulats, boycott de la vodka ou des Jeux Olympiques de Sotchi… Le mieux et le plus sûr, dans de pareils cas, est encore de se fier à ce que préconisent sur place les militants locaux, dont la connaissance du terrain est toujours plus précise que celle que peuvent avoir des étrangers parfois aveuglés par leur indignation. Car finalement, ce sont toujours les mêmes Charybde et Scylla qui resurgissent dès qu’il s’agit de défendre les droits de l’homme hors de nos frontières. D’un côté, le risque de considérer que les Russes / les Arabes / les Africains sont intrinsèquement homophobes, que leur civilisation ne reconnaît pas l’amour entre deux hommes ou deux femmes, bref, qu’ils ne sont pas comme nous – et par “nous“, il faut entendre le “monde civilisé“ dont parle maladroitement Stephen Fry. De l’autre, celui de méconnaître l’histoire et la culture des pays concernés, au risque de se lancer dans des stratégies contre-productives qui ne font que souder les peuples derrière leurs dirigeants liberticides. En l’occurrence, il est un fait qu’on est bien obligés de regarder en face : selon un sondage du centre indépendant Levada publié le 13 mars dernier, la moitié des Russes se disent «dégoûtés ou effrayés» par les gays et 18% «réservés» à leur égard. Pour déplaisante qu’elle soit, cette réalité doit être prise en compte si on ne veut pas braquer un peu plus l’opinion publique russe contre les gays et les lesbiennes. On le voit, le dilemme auquel se trouvent confrontés les militants et sympathisants LGBT du monde entier désireux de manifester leur solidarité avec les homosexuels russes est complexe et on ne prétendra pas y apporter une réponse, encore moins en quelques lignes. On se contentera simplement de rappeler que ce qui se joue actuellement n’est pas un combat de l’Occident moderne, friendly et progressiste contre une Russie arriérée, homophobe et rétrograde. C’est (ce devrait être) une union transnationale de tous ceux qui estiment que chacun doit être libre d’aimer qui il veut contre tous ceux qui considèrent l’homosexualité comme un vice, en Russie comme chez nous. Le plus beau cadeau que nous pourrions faire à Poutine serait de l’oublier.

Photo : Kiss-in devant le consulat de Russie à Lyon, dimanche 8 septembre 2013 – © Julien Adelaere

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