E. M. Forster et Klaus Mann réédités

le-plus-long-des-voyages-e.-m.-forster-editions-le-bruit-du-temps-heterocliteEst-ce qu’on les lit encore ? La question se pose, bien sûr. On voudrait croire que oui, mais parce qu’on est relativement lucide, on se doute bien que plus vraiment… Et pourtant, quelle erreur ! Quelle erreur de ne se gorger que de nouveautés. Quelle erreur de passer à côté d’auteurs comme ceux-là, parce qu’ils sont d’hier, alors qu’ils sont modernes, infiniment, et éblouissants, ô combien, de la première à la dernière ligne. Alors ? Alors il faut se réjouir que des éditeurs donnent l’occasion de s’y replonger et de s’émerveiller de l’intelligence et de l’élégance de ces deux-là, l’Anglais (E. M. Forster) et l’Allemand (Klaus Mann), celui qui passa sa vie à masquer son homosexualité (ne permettant la sortie de son grand roman gay, Maurice, qu’après sa mort) et celui qui passa une bonne part de son existence chahutée, dans l’Allemagne pré-nazie et en exil, à mettre en scène et en mots son goût pour les hommes. Les voilà donc, E. M. Forster et Klaus Mann, réédités dans de beaux volumes : trois romans pour l’un (dont le très rare Le Plus Long des Voyages), cinq pour l’autre (réunis en un fort recueil intitulé Œuvre romanesque). Tous deux sont des témoins. Témoin d’une morale puritaine et d’un refoulement de ses désirs pour E. M. Forster, en ce début de XXe siècle où il écrit la plupart de ses œuvres. Témoin d’un monde qui s’écroule pour Mann, fils du grand Thomas et tenant comme son père d’une culture allemande qui s’oppose à la barbarie hitlérienne. Alors oui, les temps ont changé et qui s’en plaindra ? On peut être gay, ou lesbienne, ou trans de façon publique, on peut en faire de l’art sans que cela choque, on peut même se marier, être candidat à des élections, être élu… On peut même le faire sous une étiquette extrémiste. Ben oui, et alors ? Alors relisez Klaus Mann ! Lisez La Danse pieuse, ou Méphisto, ou Le Volcan ! Et vous verrez que, quoi de neuf sous le soleil ? Des âmes vendues au diable, des homosexuels tirant contre leur camp et contre eux-mêmes, des aveugles et des sourds, des imbéciles heureux et satisfaits de leur plastique avantageuses dans les terribles années 30 déjà… On connaît la suite. C’est à ça que servent les témoins. Surtout quand, en prime, ils ont le talent littéraire de ceux qui, ici, nous occupent.

Le Plus Long des Voyages, La Route des Indes et Monteriano de E. M. Forster (éditions Le Bruit du Temps)

Œuvre romanesque de Klaus Mann (éditions Grasset)

Photo de une : James Wilby et Hugh Grant dans Maurice (1989), adaptation cinématographique signée James Ivory du roman éponyme de E. M. Forster

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