Le Triomphe de l’amour michel raskine

“Le Triomphe de l’amour” au Théâtre de Villefranche

Après Le Jeu de l’amour et du hasard (en 2009), Le Triomphe de l’amour est la deuxième mise en scène de Marivaux par Michel Raskine. Elle a connu la saison dernière un grand succès et poursuit donc naturellement sa tournée en 2015.

Les mises en scène de Michel Raskine sont nombreuses, où le travestissement est non seulement un procédé théâtral mais aussi un thème à part entière. Marief Guittier est dans ce registre une comparse affutée, de l’incroyable Max Gericke de Manfred Karge au Jean-Jacques Rousseau de Jean Jourdheuil qu’elle a tous deux campés avec panache et précision. Dans Le Triomphe de l’amour, elle laisse le pantalon à Clémentine Verdier, dont le personnage Léonide est contraint au déguisement pour approcher l’élu de son cœur.

Contrairement à ce que pourrait suggérer son titre, Le Triomphe de l’amour n’est pas la suite du Miracle de l’Amour (la sitcom produite par AB Productions), mais une pièce complexe du XVIIIe siècle. Il semble néanmoins que Le Triomphe de l’amour et la suite des aventures des personnages d’Hélène et les Garçons partagent le reproche de l’invraisemblance. C’est du moins ce qu’ont pensé les spectateurs lors de la création de la pièce en 1732. En effet, beaucoup n’ont pas cru en cette jeune princesse de Sparte, Léonide, qui décide de se travestir en homme pour séduire tour à tour un philosophe vivant en ermite (Hermocrate) et sa sœur (Léontine), afin d’approcher et d’épouser leur protégé, Agis, jeune prince déchu.

Cruel marivaudage

Le public du XXe siècle a toutefois été plus clément avec cette œuvre et ce sont sans doute les multiples influences du dramaturge (allant de Shakespeare à Sade et Laclos en passant par la tradition italienne) qui séduisent aujourd’hui Michel Raskine. Car sous ses allures de marivaudage comique, Le Triomphe de l’amour se révèle d’une terrible cruauté.

le triomphe de l'amour marivaux michel raskine copyright Michel Cavalca

Dans cette Grèce de convention qui permet toutes les transpositions, Léonide érige en système la duperie, le mensonge et le travestissement pour parvenir à ses fins, excusant ses méfaits au nom de l’amour. Il n’en reste pas moins qu’à la fin de la pièce, la forteresse de raison qu’Hermocrate et Léontine avaient bâtie à l’abri de la passion et des sentiments est à terre, les deux personnages ayant renié leurs convictions les plus profondes, par amour pour un mirage. Sans repère et trahis à l’automne de leur vie, le frère et la sœur ne sont plus que les témoins démunis du triomphe de la jeunesse et de l’amour.

Mais de quoi alors Marivaux cherche-t-il à nous prémunir dans Le Triomphe de l’amour ? S’agit-il pour l’auteur dramatique de souligner la folie de ceux qui,  à l’instar du philosophe, voudraient se couper de leurs sentiments ou de nous mettre en garde contre la duplicité de ces derniers ?

 

Photos © Michel Cavalca

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