“Cinelandia” d’Alfredo Arias : don’t cry for me, Argentina…

Avec Cinelandia, Alfredo Arias rend hommage à trente années de cinéma argentin, de la fin des années 1930 jusqu’en 1968.

 

Aidé de René de Ceccatty pour l’écriture des textes, le dramaturge né à Buenos Aires convoque sur le plateau les fantômes de trois actrices et d’un acteur emblématique de la production cinématographique argentine de l’époque. Sur une scène minimaliste entièrement noire se succèdent ainsi, par ordre chronologique, Libertad Lamarque, grande chanteuse de tango, Carlos Thompson, bellâtre aux cheveux gominés, Zully Moreno, dont la blondeur rivalise avec celle des actrices hollywoodiennes et Isabel Sarli, sorte de playmate à la poitrine improbable. Jouant sur l’esthétique kitsch et datée des films qu’ils tentent d’incarner (Besos brujos,  El Crimen de Oribe, La Mujer de las camelias et Carne), les acteurs adoptent un ton et des poses apprêtées pour faire revivre une certaine image de l’Argentine. Car derrière le maquillage outrancier et la sophistication des costumes se cache une véritable tendresse de la part d’Alfredo Arias pour ce cinéma qui a bercé sa jeunesse. Alternant anecdotes de tournage, réinterprétation de scènes de films et tours de chant, Cinelandia tente de dresser le portrait d’une société argentine secouée par les dictatures et les coups d’État pour qui le cinéma reste un espace d’évasion. S’appuyant sur les travaux d’un sociologue argentin qui a déclaré que «le cinéma est l’inconscient d’une société», Arias cherche alors à sonder l’âme de son pays. Le rire et la légèreté laissent ainsi poindre par moment une véritable poésie et une certaine gravité. Au final, le spectacle permet de découvrir un cinéma souvent mal connu – la scène de Carne où Isabel Sarli se fait violenter sur des carcasses de viande a sans aucun doute sa place au panthéon des nanars – et livre une réflexion sur la nécessité pour chaque peuple de rêver : on pense alors aux Chiliens adulant l’exubérance de Raffaella Carrá à la télévision alors que la dictature de Pinochet sévissait à l’extérieur.

Cinelandia, les 18 et 19 février au Théâtre de la Renaissance, 7 rue d’Orsel – Oullins / 04.72.39.74.91

Photos : © Alejandra Lopez

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