Guillaume et Eddy, à table !

Eddy (Bellegueule) et Guillaume (Gallienne), deux garçons efféminés qui se confrontent de façon très différente à la question de leur orientation sexuelle.

les-garçons-et-guillaume a table heteroclite avril 2014

 

Efféminé = pédé. On pensera ce que l’on veut de cette assignation, force est de constater qu’à l’heure du queer et du mariage pour tous, cette vieille idée reçue prospère comme jamais : elle est même au cœur de deux gros succès du moment qui en présentent deux versants : Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne et En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis. Un film et un livre qui, partant d’un même point, cheminent chacun sur son sentier, dos-à-dos plutôt que côte-à-côte. Dans l’enfance dorée de Guillaume, un garçon peut être une fille (ou à défaut un homo) sans que cela lui pose souci, pas plus qu’à son entourage. Dans l’enfance plus que défavorisée d’Eddy, être pédé est une tare, un motif de déchaînement de violence, un état contre lequel il faut lutter. Et donc Eddy tente de gommer ses manières, de se fondre dans le monde viril alentour, de se forcer à aimer à les filles pour donner le change, tandis que Guillaume se laisse glisser dans ce moule confortable, se rêve en Sissi, s’identifie à sa mère, se jette dans les bras de garçons. Pourtant, au final, celui pour qui ce ne serait pas grave d’être homo ne l’est pas, et il nous le fait savoir en caricaturant grossièrement les seuls gays de son film (tout en faisant un ange de la femme qui le révèle hétéro). L’autre, à l’inverse, doit se confronter à son homosexualité et fuir pour devenir lui-même. La moralité de cette (double) histoire serait-elle que les clichés sont trompeurs ? Cela serait aussi sympathique que niais. Car l’essentiel n’est pas tant dans le constat que dans la manière dont il est formulé. Chez Gallienne, la farce rentre avec une telle jouissance dans le rang et dans l’ordre «naturel» (et bourgeois) des choses qu’on ne peut que s’interroger sur l’engouement des homos pour ce film. Chez Édouard Louis, dans ce naturalisme terrible, dans cette sociologie de la France de très-en-bas, le salut ne peut passer que par la révolte face à l’écrasant déterminisme social. Résister pour exister… Y aurait-il-là un doux parfum de lutte des classes ?

Les Garçons et Guillaume, à table ! de et avec Guillaume Gallienne

En finir avec Eddy Bellegueule, de Édouard Louis (éditions du Seuil)

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