Olivier Charneux convoque ses fantômes dans “Tant que je serai en vie”

Deux romans récemment parus sont peuplés de magnifiques fantômes : Tant que je serai en vie d’Olivier Charneux et Je ne retrouve personne d’Arnaud Cathrine.

tant que je serai en vie olivier charneux editions grassetNos vies sont pleines de fantômes. De ceux que l’on a connus et perdus, de ceux que l’on a aimés et sont morts, de ceux qui nous ont construits, dans la douleur parfois, l’exigence souvent, le plaisir aussi. Certains les oublient, les rangent au magasin des accessoires d’une mémoire fuyante, d’autres préfèrent les chérir, les garder proches d’eux et de leurs souvenirs, compagnons autant que guides. Olivier Charneux fait partie de la dernière catégorie et ce sont eux, ces fantômes par qui il a appris à être et à aimer, qu’il convoque dans son dernier livre au titre si beau : Tant que je serai en vie.

Lui les appelle des Phares, parce qu’ils ont illuminé son parcours, mais c’est bien la même chose. Sont-ils moins réels, ces fantômes de l’auteur, parce qu’il ne les a pas physiquement croisés, pour la plupart ? Sont-ils moins importants de s’appeler Hervé Guibert ou Pina Bausch, Duras ou Barbara, Larry Clark ou Nan Goldin ? Évidemment non. Nous en avons tous, au côté de nos amis, de nos amants, de nos familles, de ces figures tutélaires qui nous ont montré le monde, qui nous ont fait nous découvrir, et c’est bien cela que raconte Charneux, qu’il a traversé les épreuves du temps (les amours difficiles, les années sida, l’apprentissage de son métier…) plus facilement grâce au viatique de ces artistes ayant façonné peu à peu l’écrivain homosexuel (ou l’homosexuel écrivain si l’on veut chipoter) qu’il est aujourd’hui.

Retour en Normandie

Il y a aussi des fantômes, d’un autre type, plus intimes, qui hantent le très séduisant, le très subtil roman d’Arnaud Cathrine au titre, là aussi, si bouleversant : Je ne retrouve personne. Au milieu de tous ceux qui reviennent dans la vie du narrateur retourné en Normandie vendre la maison familiale, on en retiendra un, un fantôme dont le resurgissement sonne comme un remords : ce garçon de son enfance est mort il y a longtemps sans qu’il n’ait jamais compris ce qui le rongeait, un amour pour lui indicible, ce désir violent pour quelqu’un de son sexe qu’il ne pouvait admettre, conséquence d’une homophobie sociale toujours oppressante. Le texte de Cathrine est hors de l’actualité. Et pourtant, en écho à ce qui bouge dans les tréfonds de la société française depuis quelques temps, il résonne drôlement…

 

Tant que je serai en vie d’Olivier Charneux (éditions Grasset)
Je ne retrouve personne d’Arnaud Cathrine (éditions Verticales)

 

Photo © Jean-François Paga / Grasset

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