les-tumultueuses-feministes-anti-islamophobie-voile-heteroclite-avril-2014

Les angles morts du débat sur le voile

«Femmes agressées et lycéennes exclues : islamophobie, nous ne nous tairons plus !»

(Un des slogans du cortège organisé pour la Journée internationale des droits des femmes par le collectif 8 mars pour toutEs)

La loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles (et particulièrement le voile), dans les écoles publiques a dix ans et les féministes qui y sont opposées entendent bien profiter de cet anniversaire pour la dénoncer une fois encore.

À Paris, elles ont ainsi défilé le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, au sein d’un cortège organisé par le collectif 8 mars pour toutEs. À Lyon, elles se sont jointes à l’appel de plusieurs associations musulmanes qui manifestaient «contre les lois islamophobes» le 15 mars.

collectif 8 mars pour toutes feministes anti-islamophobie voile heteroclite avril 2014

Pour étayer leur opposition à cette loi, elles s’appuient sur quelques vérités bien souvent ignorées par les féministes opposées au voile.

Elles ont raison ainsi de rappeler que, de même que les prostituées ne sont pas toutes victimes d’esclavage sexuel, une femme voilée n’est pas forcément soumise au diktat de son mari, de son père ou de ses frères et qu’il faut entendre celles qui portent le voile de leur plein gré.

Elles ont raison également de rappeler que le sens du voile n’est pas aussi univoque qu’on le croit souvent et n’est pas toujours le signe d’un retour du fondamentalisme religieux : dans un contexte européen marqué par la montée de la xénophobie et du racisme à l’égard des musulmans, le port du voile est pour certaines femmes un moyen d’affirmer une identité malmenée et il devient alors un symbole tout autant sociopolitique que religieux.

Elles ont raison enfin de rappeler qu’on n’émancipe pas un individu contre son gré et qu’une femme majeure et vaccinée n’a de leçon de liberté à recevoir de personne. En ce domaine, la liberté doit donc être la règle et l’interdiction l’exception, à n’appliquer qu’avec parcimonie et pour des motifs dûment justifiés.

Dialogues de sourd-e-s sur le voile

Reste que, par quelque bout qu’on le prenne, quel que soit le sens qu’on veuille lui donner, le voile puise ses racines dans la domination masculine et demeure un marqueur de non-mixité qui s’applique aux femmes et à elles seules pour les appeler à la “pudeur“ : n’y a-t-il pas là de quoi interroger quiconque se revendique féministe ? Respecter la parole et le choix des femmes qui décident de se voiler est un impératif ; mais ni le respect ni la tolérance n’interdisent l’examen critique.

C’est là l’angle mort de la réflexion des féministes pro-voile qui, associé à ceux (cités plus haut) des féministes anti-voile, contribue à obscurcir le débat et à le faire piétiner : force en effet est de constater que, après dix ans d’invectives entre «racistes islamophobes» et «islamo-gauchistes», les positions des un(e)s et des autres n’ont guère évolué.

La galaxie du féminisme français est pourtant vaste et riche de sa diversité, de ses analyses souvent concurrentes et contradictoires ; il n’en est que d’autant plus regrettable qu’après toutes ces années, si peu de voix en aient émergé pour porter sur cette question un regard tout à la fois critique, respectueux, lucide et dépassionné.

 

Photo 1 : banderole déployée par le collectif féministe Les Tumultueuses (DR)
Photo 2 : le défilé organisé par le collectif 8 mars pour toutEs à Paris le 8 mars 2014 (DR)

1 commentaire

  • babeil

    Quelques remarques:

    – nul n’a jamais interdit “l’examen critique” du foulard, prétexte fallacieux qui a servi au passage à justifier son bannissement en 2004.
    -nul n’a jamais interdit de critiquer toutes les tenues vestimentaires des femmes, ce que les hommes ne se sont pas gêné de faire depuis la nuit des temps. La critique, constructive cela va de soi, de la mini-jupe par exemple, se traduit souvent par des insultes telles que “allumeuse” ou “salope” et des agressions sexuelles.

    -Une fois la critique émise, que faut il en conclure? En quoi affirmer que le foulard est un marqueur de la domination masculine et de la non mixité va-t-il influer sur une question qui, au final, sera tranchée au nom du respect des libertés individuelles?

    L’autre chose qui m’interpelle est cette obsession de décortiquer, analyser et juger un signe religieux en termes de marquage social et politique alors qu’aucun autre vêtement sexué et unisexe au monde ne fait l’objet d’un débat de cette nature sur la place publique.

    Enfin, la comparaison entre voile et prostitution est tout à fait déplacée car hormis la question du consentement qui est complètement hors sujet, il suffit de comparer les dégâts physiques et psychologiques pour comprendre ce qui constitue une oppression des femmes et ce qui ne l’est pas. On ne meurt pas suite au port d’un foulard alors qu’on peut mourir de la prostitution consentie ou non, ou au mieux, survivre avec de graves séquelles.

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.