“La Vie privée” d’Olivier Steiner, un deuil SM

Dans La Vie privée, Olivier Steiner dépeint une séance de sexe gay SM hantée par le deuil.

olivier steiner la vie privee heteroclite mai 2014En 2012, Olivier Steiner entrait sur la scène littéraire par la grande porte en publiant Bohème, dans la Collection Blanche de Gallimard : un roman épistolaire à l’heure du numérique, retraçant les échanges amoureux d’un jeune Beur homosexuel et d’un célèbre metteur en scène. Depuis, l’auteur originaire de Tarbes travaille à la préparation d’un recueil de textes dont les bénéfices seront reversés à l’association Le Refuge mais n’a pas abandonné pour autant l’autofiction.

Dans son dernier roman (paru en mars), La Vie privée, il développe ainsi une réflexion autour de la mort et du plaisir. Dans une grande maison en bord de mer, Olivier, le narrateur, reçoit la visite d’un beau dominateur viril pour une séance de sexe SM, alors que gît à l’étage le corps sans vie d’Émile, un vieillard qu’il a accompagné durant ses derniers jours. Le lecteur est alors amené à suivre les sensations et les pensées d’Olivier, à la fois présence charnelle qui s’adonne aux plaisirs de la soumission et esprit qui s’interroge sur les mystères de la mort.

Par bribes se dessine ainsi le lien étrange qui unissait Émile et Olivier, leur rencontre fortuite, la routine tacite qui s’est installée entre eux et dans laquelle chacun semblait trouver son compte, auxquels font écho les méandres complexes du jeu sexuel, l’ascendant intellectuel, la perte de contrôle, le don de soi.

Entre Éros et Thanatos

Sans jamais perdre le lecteur, Steiner rend parfaitement compte de l’enchaînement de la pensée et des associations d’idées qui permettent de naviguer d’un bord à l’autre, d’Éros à Thanatos, du plaisir à la mort.

La pulsion sexuelle masochiste semble soutenir, accompagner le travail de deuil et les mots de Steiner parviennent aussi bien à faire naître le désir qu’à souligner la prise de conscience de la perte. Si la séance SM apparaît tout d’abord comme un moyen pour le narrateur d’échapper à l’introspection, elle le ramène bien vite à sa relation avec Émile.

Parallèlement aux exigences de soumission du dominateur croît alors la nécessité pour Olivier d’accepter le sentiment d’abandon. Ainsi, le rapport à la mort et à la sexualité du narrateur tracent les contours de l’intime, esquissent une quête personnelle, donnent corps à la vie privée.

 

La Vie privée d’Olivier Steiner (éditions Gallimard)

 

Photo © Jean-Baptiste Deneuve

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.