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Xavier Dolan, un beau bobo qui séduit autant qu’il agace

Portrait de Xavier Dolan, jeune réalisateur québécois âgé de vingt-cinq ans qui vient de remporter le Prix du Jury du festival de Cannes pour son film Mommy.

Xavier Dolan a seize ans lorsqu’il écrit le scénario de J’ai tué ma mère, autobiographie cinématographique parcourue de longues prises de becs bavardes entre une mère pas très à l’aise et un ado en pleine révolte. Ce premier film se fera remarquer à la Quinzaine des réalisateurs de l’édition 2009 du festival de Cannes, où il remportera trois prix sur quatre.

Un an plus tard sort l’histoire d’un triangle amoureux à la plastique superbe : Les Amours imaginaires. Et hop, retour à Cannes, dans la catégorie Un Certain Regard, où son film se fera acclamer pendant près de huit minutes. Et c’est parti pour la couv’ des Inrocks où notre Xavier exhibe sa belle gueule d’amour et sa coupe de cheveux, maintes fois imitée par tous les hipsters…

Xavier Dolan

Les Amours imaginaires est un film très à la mode. Le sujet est actuel, la bande-son à toute épreuve et les acteurs, en plus d’être beaux, exhibent des tenues magnifiques. Mais alors, pourquoi tout cela agace-t-il tant ?

Avalanche de références

Peut-être parce que ces deux premiers films ne sont pas si novateurs que ça (nombre de leurs effets récurrents rappellent trop la Nouvelle Vague). Ou parce que la manière de filmer (notamment les ralentis) imite de trop près celle de Wong Kar-Wai. Et puis, Xavier Dolan, même s’il a certes de très bonnes raisons pour cela, s’aime beaucoup et contrôle tout : scénario, réalisation, costume, montage, production. Le comble de ce narcissisme est atteint dans une scène des Amours imaginaires où le jeune cinéaste se filme en train de se masturber : difficile de faire plus éloquent, sauf bien sûr à se filmer en train de se regarder le nombril…

Xavier Dolan ne doute de rien et ne nous épargne aucun des clichés qu’il considère peut-être comme de grandes innovations cinématographiques mais qui ne trompent pas le spectateur averti qui s’est déjà enquillé des Godard et des Truffaut. En somme, il ne dupe personne. Tout le monde crie au film trop fun, trop beau et trop bobo. Et pourtant, le paradoxe est qu’il réussit à émouvoir ceux-là même qui le critiquent.

Dolan 1, critiques 0

Les films de Xavier Dolan sont habités par la fougue et l’assurance, deux qualités qui se traduisent parfois maladroitement en manque de subtilité et de recul. Mais une fois perçues (et acceptées) comme des défauts de jeunesse et non comme la patte d’un réalisateur prétentieux, ces mêmes scènes qui nous horripilaient se révèlent au contraire plutôt touchantes.

Quant aux préoccupations qui traversent sa toute jeune œuvre (bien s’habiller, régler des conflits familiaux, écouter de la musique cool et coucher avec des garçons), qui ne rêverait pas d’avoir les mêmes ? L’identification est immédiate et suscite chez le spectateur une certaine nostalgie et une forme d’envie, voire un peu de jalousie.

Et pour ce qui est des citations intempestives et des clins d’œil aux réalisateurs qui lui sont chers, avouons-le, tout cela fonctionne plutôt bien : l’effet produit par la vision de beaux corps se mouvant dans de belles tenues vintage sur une chanson de Dalida (Bang Bang) reste intact !

Car si on reproche parfois à Dolan de se complaire dans une forme trop proche de celle du clip, reconnaissons-lui le mérite de savoir dégoter une bande-son déroutante : sur ses deux premiers films, il ose pêle-mêle Luis Mariano, Indochine, Vivaldi et France Gall, mais réussit aussi à placer les excellents The Knife et Fever Ray, ressuscite House of Pain et nous fait découvrir les Belges de Vive la Fête.

Laurence Anyways, le genre en question

Deux ans seulement après Les Amours imaginaires, Xavier Dolan était de retour à Cannes en 2012 pour présenter Laurence Anyways. Plusieurs changements notables sur ce troisième film. Tout d’abord, son action se déroule dans les années 90 : autant dire qu’il s’agit presque d’un film en costume d’époque pour un réalisateur aussi contemporain que Dolan !

L’autre nouveauté, c’est que, pour la première fois, l’enfant prodige du cinéma québécois ne se met pas en scène. C’est Melvil Poupaud qui tient le premier rôle, celui de Laurence, qui annonce le jour de ses trente ans à sa copine Fred (Suzanne Clément) qu’il souhaite devenir une femme.

Avec Laurence Anyways, Xavier Dolan s’attaque à la question du genre. Laurence n’est pas homosexuel, n’est pas opéré, prend des hormones, se laisse pousser les cheveux et porte des robes. Est-ce que cela suffit pour se sentir femme ? Pendant dix années, Fred et Laurence vont être déchirés entre leur amour commun et leur épanouissement personnel. Au-delà de la thématique du changement de sexe, Xavier Dolan questionne donc surtout ici la place de l’individualité au sein du couple.

Le Prix du Jury pour Mommy

En 2013, Xavier Dolan signe un clip au goût et au message douteux pour le groupe Indochine (College boy). On le retrouve sur grand écran ce printemps avec Tom à la ferme, où il s’essaye à un nouveau genre, le thriller. Le film emmène le spectateur dans la campagne québécoise, où s’entremêlent deuil et secrets de famille.

Un mois après la sortie de Tom à la ferme sur les écrans français, Xavier Dolan est de nouveau présent sur la Croisette pour présenter son cinquième long-métrage, Mommy, qui suscite immédiatement un très fort engouement critique (mais aussi des jugements plus réservés qui, tout en reconnaissant des qualités au film, estiment que Dolan ne s’est pas débarrassé de ses tics et travers habituels), au point que le film sera un temps envisagé pour la Palme d’Or. Le jury du festival de Cannes a finalement été plus modéré en lui attribuant le Prix du Jury (ex-æquo avec Jean-Luc Godard pour Adieu au langage), une récompense qui demeure toutefois exceptionnelle pour un si jeune réalisateur. Est-elle méritée ? Réponse dans les salles obscures prochainement…

 

 

Xavier Dolan, une vie en accéléré

_20 mars 1989_ : naissance à Montréal
_1995_ débute une carrière d’acteur en tournant des publicités. Enfant, il joue également dans plusieurs long-métrages québécois, comme la comédie gay-friendly J’en suis, de Claude Fournier (1997)
_2005_ écrit Le Matricide, la nouvelle qui inspirera le scénario de J’ai tué ma mère
_2008_ entreprend de manière autodidacte la production et la réalisation de J’ai tué ma mère, qui sort l’année suivante
_automne 2009_ écrit le scénario des Amours imaginaires
_février 2011_ débute le tournage de Laurence Anyways
_juillet 2012_ Laurence Anyways sort sur les écrans français
_2013_ College Boy (vidéoclip pour Indochine)
_avril 2014_ Tom à la ferme sort sur les écrans français
_mai 2014_ Mommy remporte le Prix du Jury du festival de Cannes

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