Rachid Boudjedra heteroclite juin 2014 copyright Jean-Francois Paga Grasset 2014

“Printemps”, nouveau roman de Rachid Boudjedra

Dans Printemps, l’écrivain algérien Rachid Boudjedra passe au crible l’histoire falsifiée du monde et de son pays à travers la romance de deux femmes.

9782246806929-V01.inddRachid Boudjedra est né en Algérie en 1941. Écrivain, poète, philosophe et scénariste, condamné à mort dans son propre pays de la fin des années soixante au début des années soixante-dix, il est un éternel défenseur de la liberté. Avec Printemps, il passe au crible l’histoire falsifiée du monde et de son pays.

Professeur de littérature érotique arabe à l’université d’Alger, Teldj, ancienne championne du 400 mètres haies, n’a jamais caché son homosexualité. Après plusieurs années d’aventures sans importance, elle rencontre Nieve, une Espagnole ayant trouvé du travail en Algérie. La romance commence bien, les mots «teldj» et «nieve» voulant dire la même chose, chacun dans leur langue : neige. Rachid Boudjedra joue alors avec cette similarité apparente pour mieux raconter une passion, celle de deux femmes, celle de deux cultures, de deux histoires à la fois liées et finalement trop éloignées.

Le propos de l’auteur est là, dans l’Histoire, celle des conflits qui ont marqué son pays (l’Algérie) et ceux du Maghreb en général. La voix de Teldj (qui se fait l’écho des événements du Printemps arabe) et celle de Boudjedra s’unissent pour critiquer un pays malmené par les intégrismes et la corruption. L’écrivain crache son mépris pour cette «société archaïque, rongée par la religiosité médiocre et la superstition bon marché».

Un écrivain algérien très critique envers son propre pays

Pour autant, profondément amoureux de son pays, Boudjedra souhaite rétablir la vérité. S’il dénonce les méfaits de la colonisation, il n’est pas plus tendre avec les politiques de l’Algérie indépendante. Et face aux erreurs commises par son peuple, il y a plus de vingt-cinq ans, lors des émeutes de 1988 (qui donnèrent finalement le pouvoir aux islamistes), il fait de Teldj la voix de la raison, celle qui prévient, qui avertit les autres, les Tunisiens, les Égyptiens. Trop tard…

À entendre Boudjedra parler simplement de son roman comme du «destin d’une femme algérienne dans une société retardataire et archaïque», on ne s’attend pas à ce flot percutant de mots. Car Printemps est un roman violent, qui déroule un siècle d’atroces conflits et d’exactions en tout genre. Comme un fou qui halète et qui veut être entendu à tout prix, Rachid Boudjedra se livre à un exercice périlleux au risque de lasser, à grands coups de répétitions et de phrases interminables. Mais comme ce fou qui ne lâche rien, il tire la sonnette d’alarme dans un cri de révolte, dénonce férocement tous les intégrismes et permet à l’Histoire de ne pas perdre la mémoire.

 

Printemps de Rachid Boudjedra (éditions Grasset)

 

Photo : Rachid Boudjedra (© Jean-François Paga / Grasset 2014)

3 commentaires

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.