Enfants nés par GPA : “les fantômes de la République” ?

La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme a relancé le débat sur la situation juridique des enfants nés par GPA à l’étranger.

 

gestation pour autrui GPA heteroclite juin 2014

 

Interdite en France mais autorisée dans de nombreux pays, la gestation pour autrui (GPA) nourrit un véritable “tourisme procréatif” : de nombreux couples français, hétéro- ou homosexuels, y ont recours à l’étranger. Mais, à leur retour en France, il leur était jusqu’à présent impossible de faire établir leurs liens de filiation avec les enfants ainsi conçus. Fin juin, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu une décision qui pourrait prochainement mettre fin à cette situation.

En condamnant la France, elle a estimé que les enfants nés d’une GPA à l’étranger avaient droit à la transcription de leur acte de naissance à l’état civil français, à l’instar de n’importe quel enfant né à l’étranger, si au moins l’un des deux parents est Français. Pour les associations homoparentales (comme par exemple lAssociation des familles homoparentales), il s’agit d’une victoire importante qui met fin à un traitement discriminatoire et contraire à l’intérêt des enfants, qui étaient ainsi pénalisés – par exemple en matière successorale. La CEDH a elle-même reconnu que ces enfants «se trouvaient en situation d’incertitude juridique». La philosophe Élisabeth Badinter est même allée jusqu’à parler de «fantômes de la République» puisque ces enfants ne peuvent bénéficier de la nationalité française dont jouissent pourtant leurs parents.

À l’inverse, la juriste Muriel Fabre-Magnan, auteur l’an dernier d’un ouvrage résolument hostile à la GPA (La Gestation pour autrui. Fictions et réalité, Fayard), s’est inquiétée des conséquences de la décision de la CEDH, qui ouvrirait selon elle la voie à une légalisation de la GPA en France. Elle estime que les enfants nés par GPA peuvent vivre en France, auprès de leurs parents d’intention, dans des conditions normales. Elle explique également qu’il existe en droit des statuts différents de la filiation, comme le tutorat, qui assurent la protection des enfants. La CEDH elle-même ne relève aucune intrusion dans leur vie familiale et les difficultés pratiques qu’ils rencontrent ne seraient pas «insurmontables». Ils ne sont pas non plus apatrides, puisqu’ils possèdent la nationalité de leur mère porteuse.

Toutefois, le gouvernement, bien qu’opposé à la légalisation de la GPA en France, semble estimer que l’arrêt de la CEDH va dans le sens de l’intérêt des enfants : la secrétaire d’État à la Famille, Laurence Rossignol, a ainsi précisé que la France ne ferait pas appel de sa condamnation.

 

Photo : la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg

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