La CGT engagée contre l’homophobie

Interview de Lionel Goulette, syndicaliste (fédération CGT de la métallurgie) et co-animateur de collectif confédéral CGT de lutte contre l’homophobie.

 

lionel goulette cgt discriminations homophobieComment la CGT lutte-t-elle contre l’homophobie dans le monde ouvrier ?
La CGT s’est dotée d’un collectif dédié à la lutte contre l’homophobie en 1996. Lorsque des travailleurs, ouvriers ou non, ont connaissance de discriminations homophobes sur leur lieu de travail ou qu’ils en sont eux-mêmes victimes, ils font appel à nous et on essaye de voir comment résoudre ces problèmes : en faisant un courrier à l’employeur, en aidant l’ouvrier dans ses démarches de demande de changement d’affectation, en prenant contact avec certains de ses collègues, etc. Cela va des gays et des lesbiennes visés par des propos homophobes jusqu’à des personnes en phase de transition qui rencontrent beaucoup de difficultés dans leur travail.

Quelles sont les demandes auxquelles vous devez faire face ?
Le cas qu’on rencontre le plus souvent actuellement, c’est celui de personnes transgenres en phase de transition et qui ont beaucoup de mal à le faire accepter par leurs collègues et par leurs employeurs. On leur donne les contacts d’associations avec lesquelles nous sommes en lien, on leur indique les démarches à suivre, on leur explique ce que l’employeur a le droit de faire et de ne pas faire les concernant…

Avez-vous le sentiment que les LGBTphobies régressent dans le monde ouvrier ?
Pour les transgenres, c’est encore très difficile. L’homosexualité est davantage rentrée dans les mœurs, mais la CGT doit encore traiter pas mal de cas d’homophobie. Souvent, les victimes ne veulent pas en parler : ces histoires reviennent souvent à nos oreilles de façon indirecte. Mes collègues, sur mon lieu de travail, savent tous que je suis gay. Mais quand je suis en réunion syndicale au sein de ma fédération CGT, celle de la métallurgie, je peux voir que beaucoup de mes collègues métallos ont encore beaucoup de mal avec ça. Pour eux, je fais tâche dans le décor. Un jour, l’un d’eux m’a dit que la métallurgie, c’était pour les purs et durs, les tatoués, les virils… Quand on entend ça, on se dit qu’il y a encore pas
mal de boulot à faire.

Comment les débats autour du mariage pour tous ont-ils été ressentis par les ouvriers ?
Comme dans l’ensemble de la société, il y avait des personnes favorables au mariage pour tous et d’autres qui y étaient hostiles. Mais beaucoup de personnes nous ont dit : «sur le mariage pour tous, des centaines de milliers de personnes, pour et contre, sont descendues dans la rue. Mais pour défendre la retraite à soixante ans ou de meilleurs salaires en début de carrière, il n’y a plus grand-monde pour battre le pavé…». Pour les syndicalistes qui n’avaient pas forcément conscience des enjeux du mariage pour tous, il était temps que ces débats se terminent et que le gouvernement s’occupe de sujets «plus importants», selon leurs propres termes.

Comment tentez-vous, dans ces conditions, de mener de front les luttes syndicales et la lutte contre l’homophobie ?
On entend encore des paroles très dures de certains qui nous disent que les deux n’ont rien à voir, que ce n’est pas le combat que la CGT doit mener, qu’on devrait laisser ça aux associations qui sont déjà nombreuses à s’en occuper et que ça ne devrait pas être un travail syndical. Faire comprendre qu’il existe des points communs entre les deux n’est pas facile. Sur le principe, certains sont un peu fermés et ça bloque déjà comme ça. C’est aussi pour cela qu’on a sorti du matériel à destination des syndiqués et du monde ouvrier plus largement (cf. ci-contre), pour bien faire comprendre pourquoi nous sommes là. On le distribue dans toutes nos unions départementales, dans nos conférences régionales, etc. On en a déjà envoyé à pas mal d’associations : on travaille ainsi beaucoup avec SOS Homophobie. Quand ils ont connaissance de cas d’homophobie dans le monde du travail, ils nous le signalent.

 

Un guide pour lutter contre l’homophobie au travail
En octobre 2012, la CGT a publié un «guide d’action syndicale» de 90 pages intitulé «Gagner l’égalité des droits des LGBT dans le monde du travail». S’il ne concerne pas uniquement les ouvriers, il décrit des situations réelles où ceux-ci peuvent être confrontés à des discriminations à raison de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Il prodigue aussi aux adhérents de la «cégète» des conseils sur la meilleure façon de défendre ses droits et rappelle les éléments de législation les plus importants en matière de lutte contre l’homophobie. En fin d’ouvrage, il renvoie également à d’autres associations professionnelles qui regroupent les salarié-e-s LGBT de grandes entreprises ou d’administration.

 

Photo : voiture de la CGT à la Marche des Fiertés LGBT de Lyon, 14 juin 2014

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