Sarkozy et la loi Taubira : beaucoup de bruit pour rien

Nicolas Sarkozy dit qu’il veut abroger la “loi Taubira”, mais cette annonce électoraliste destinée à rester lettre morte mérite-t-elle plus qu’un haussement d’épaule ?

 

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«Si vous préférez qu’on dise qu’on doit abroger [la loi Taubira] pour en faire une autre […], si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher.»
Nicolas Sarkozy au meeting de Sens commun, samedi 15 novembre 2014

On se plaint de plus en plus fréquemment (et à juste titre) de l’accélération du temps médiatique et politique induit notamment par les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux : cet enchaînement de breaking news par lequel les événements se succèdent à un rythme effréné, une information chassant l’autre, l’essentiel se retrouvant mêlé à l’insignifiant et l’émotion à chaud remplaçant la réflexion sur le temps long. Une bonne illustration de ce phénomène d’hystérie collective nous a été fournie le mois dernier par les innombrables réactions aux déclarations de Nicolas Sarkozy se prononçant pour l’abrogation de la “loi Taubira”. Sitôt l’ancien chef de l’État avait-il fini de brosser dans le sens du poil les militants de Sens commun (la frange la plus “Manif pour tous” de l’UMP) que militants, sympathisants de la cause LGBT et associations, unis dans un même réflexe pavlovien, rivalisaient de tribunes scandalisées, de communiqués de presse outragés et de déclarations indignées. On commence à en avoir l’habitude : à chaque nouvel assaut des forces conservatrices ou réactionnaires, le camp progressiste ne sait répondre que par l’incompréhension, le dégoût et une panique qui en dit long sur sa propre faiblesse. Tout pourtant devrait nous inciter à garder la tête froide et à résister à un affolement qui ne peut que servir nos adversaires. Si elle revient au pouvoir en 2017, la droite aura d’autres chats à fouetter et d’autres priorités que d’abroger la loi Taubira. Nicolas Sarkozy le sait très bien et ses déclarations ne sont qu’un discours interne à l’UMP qui lui auront peut-être permis d’engranger quelques milliers de votes supplémentaires lors de l’élection du président du principal parti de droite, samedi 29 novembre. Qui plus est, elles s’inscrivent dans une répartition des rôles désormais bien rodée : UMP ou PS, l’opposition sur-joue sa différence avec le gouvernement (se faisant soit la défenseure des valeurs traditionnelles, soit le héraut du combat pour l’égalité des droits) tout en se préparant déjà à recentrer son action quand elle reprendra le pouvoir. La trahison annoncée des engagements pris par Nicolas Sarkozy devant les militants de Sens commun est ainsi symétrique de celle de la promesse faite par François Hollande d’autoriser toutes les femmes à recourir à la procréation médicalement assistée. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de paroles en l’air, sans effet concret, reposant sur un calcul électoraliste et non sur des convictions sincères. Pourquoi, dans ces conditions, faire semblant de les prendre au sérieux ?

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