Idoménée : tempête sous le crâne de Mozart

Le metteur en scène autrichien Martin Kušej livre une version sombre et pessimiste d’Idoménée, un opéra où Mozart dévoile beaucoup de lui-même.

 

"Idoménée" Mozart Mise en scène Martin Kus?ej

 

L’Idoménée qui se joue actuellement à l’Opéra de Lyon est une œuvre intense et révélatrice.

Quand Mozart compose cet opéra en 1780, il est étouffé par son père comme par son employeur (l’archevêque de Salzbourg) et il ne supporte plus de dépendre de la noblesse qui n’a que du bien, alors que lui possède le talent.

Tout ce qui préoccupe Mozart à cette époque se retrouve dans le livret (signé Giambattista Varesco), dont il suit attentivement l’élaboration.

Il faut saluer le metteur en scène autrichien Martin Kušej pour avoir su dégager le sens profond de cet Idoménée, qui n’est rien d’autre que la tempête sous le crâne de Mozart.

Les Troyens brutalisés par des miliciens aux crânes rasés et armés de fusils mitrailleurs dès le lever de rideau, c’est Mozart écrasé par la noblesse qui détient le pouvoir. Ces mêmes Troyens contraints de vénérer Neptune, c’est encore Mozart obligé de baiser la bague de l’archevêque de Salzbourg. Idamante qui doit fuir pour échapper à son père Idoménée mais qui n’y arrive pas, c’est Mozart tiraillé entre le désir de se soustraire à l’emprise paternelle et celui de rester auprès de ce père tant aimé.

Tout ceci, Kušej nous l’expose de manière brute, avec la violence inhérente à la religion ou à l’exercice du pouvoir. Même quand il s’agit d’amour et de liberté, Kušej ne tombe pas dans le sentimentalisme. Jusqu’au bout, il nous propose une vision sombre et pessimiste des rapports humains, avec une scène finale où le jeune couple royal, amoureux, trône sur les restes sanguinolents d’une population décimée.

Une partie du public n’a pas apprécié cette mise en scène et l’a fait savoir. C’est bien dommage ! À la fois pour les artistes et pour l’intelligence froide et radicale dont cette production fait preuve. Et ce d’autant plus qu’elle était portée par des chanteurs de qualité (dont le jeune ténor lyonnais Julien Behr, qui foulait la scène de l’Opéra de Lyon pour la première fois) et par un orchestre qui, sous la baguette du chef Gérard Korsten, est resté sobre et clair, sans en faire trop, comme c’est malheureusement parfois le cas pour la musique de Mozart.

Idoménée, jusqu’au 6 février à l’Opéra de Lyon, place de la Comédie-Lyon 1 / 04.69.85.54.54 / www.opera-lyon.com

Photos © Jean-Pierre Maurin

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