Sara Stridsberg revisite Médée dans Medealand

Non contente d’être Suédoise et d’avoir un nom de famille à la consonance proche de celui de Strindberg, Sara Stridsberg choisit de s’attaquer au mythe de Médée et inscrit ainsi sa pièce Medealand dans l’histoire du théâtre, renvoyant à Euripide et Sénèque mais aussi à Sarah Kane, dont elle a étudié le travail.

 

medealand jacques osinski sara stridsberg heteroclite copyright vincent desjardinsDe l’auteure britannique, Sara Stridsberg emprunte une langue, un rythme particulier de la phrase mais également un environnement : l’espace mental du personnage. En effet, la Médée de Medealand est une femme désœuvrée, qui s’est sacrifiée, qui a tout perdu et qui a finalement commis l’impensable en tuant ses enfants. L’action se déroule à rebours sous les yeux du spectateur : on remonte le fil du temps par flashbacks présentés sous la forme d’un drame à stations. Cette structure, que Stridsberg emprunte notamment au Chemin de Damas de Strindberg, est une succession de tableaux, une métaphore liturgique en référence à la Passion du Christ. On refait donc avec Médée le chemin depuis la Colchide (qu’elle a quitté aux côtés de Jason, après avoir trahi sa famille pour l’homme qu’elle aime) jusqu’à Corinthe (d’où Jason choisit finalement de la chasser au profit d’une autre). Déracinée, sans nulle part où aller, Médée choisit alors de tuer ses fils afin de punir l’ingrat pour qui elle a tout abandonné. Si elle conserve les grandes lignes du mythe antique, Sara Stridsberg offre néanmoins une vision contemporaine de son héroïne. Comme avec les personnages de Sarah Kane, on se retrouve face à une anti-héroïne à l’esprit fracturé, montrée du doigt par la société, mais qui n’est que le résultat du broyage minutieux et systématique opéré par cette même société. On peut bien traiter Médée de folle pour avoir commis un double infanticide, mais, apatride et acculée, quel autre choix s’offrait à elle pour se faire entendre, pour ne pas se laisser totalement écraser par un pouvoir supérieur ? À travers la figure mythologique de Médée, Sara Stridsberg donne ainsi une voix à la marginalité.

Medealand
Du 13 au 17 janvier à la MC2, 4 rue Paul Claudel-Grenoble / 04.76.00.79.79 / www.mc2grenoble.fr
Les 3 et 4 février à la Comédie de Valence, place Charles Huguenel-Valence / 04.75.78.41.70 /www.comediedevalence.com

Photo : © Vincent Desjardins

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