“Bijou”, de Wakefield Poole, aux Hallucinations collectives

Bill Harrison expose son Bijou de famille dans une version restaurée du classique de Wakefield Poole, quarante-trois ans après sa sortie. Une sexpérience à ne pas manquer !

Il faut attendre un bon quart d’heure pour voir surgir la queue invraisemblable de Bill Harrison. Il la fait jaillir de son jean alors que, allongé sur son lit, il vide le sac à main d’une jeune femme qui vient d’être renversée par une voiture sous ses yeux. Parmi les objets que cet ouvrier découvre, une invitation pour un club mystérieux : le Bijou. Il s’y rend et entreprend une expérience sexuelle bouleversante dont il sortira un sourire de contentement aux lèvres…

Ce braquemart miraculeux pourrait à lui seul être l’argument principal de ce film. Il n’en est pourtant rien, tant la matière de Bijou est riche et singulière. C’est un porno (on l’aura compris) et ce n’est pas un porno que ce film incroyable qui nous arrive d’une époque (le début des années 70) où filmer le désir gay, où filmer des corps homosexuels baisant et se suçant, était bien autre chose que la pure enfilade de scènes de cul mécaniques et sans imagination qui défilent aujourd’hui sur nos écrans. Lorsque Wakefield Poole tourne en 1972, après le triomphe de son Boys in the sand l’année précédente, il fait du cinéma d’auteur, du porno d’auteur, quelque chose de fou au croisement de l’expérimental et du X, une expérience sensorielle tout à fait folle qui transcende l’habituelle dimension purement masturbatoire de ce type de film.

Bill Harrison dans Bijou de Wakefield Poole 1972 porno gay heteroclite lyon

Univers fantasmatique

Il faut se laisser glisser dans l’univers de Bijou, comme son héros se laisse peu à peu glisser dans l’univers fantastique et fantasmatique de ce club où des néons lui enjoignent de se déshabiller, de se déchausser, de s’abandonner. Un endroit décidément étrange où, au premier plan, une bite sort d’une bouche comme une langue bizarre, où des mains surgissent de nulle part… On pense à Cocteau bien sûr, à Lewis Carroll et à sa traversée du miroir, à Pink Narcissus, au corps de Joe Dallesandro dans les films de Warhol et Morrissey, pendant que monte et se déploie une musique envoûtante qui donne des allures de cérémonial fascinant à ce voyage hors du temps et du monde réel.

Est-ce qu’on bande en regardant Bijou ? C’est une vraie question mais dont la réponse importe peu : il y a des mecs très beaux (moustachus, barbus ou imberbes), un maître de cérémonie muni d’un fouet et tous se mêlent dans une sarabande qui ressemble moins à une partouze furieuse qu’à une fastueuse liturgie amoureuse où les corps se confondent. Sur son rythme très lent qui prend le temps de caresser les anatomies, avec une seule ligne de dialogue, avec cette musique dé-réalisante, Bijou est un objet insolite et insolent, une sorte de capsule temporelle en apesanteur entre le trivial et le sublime. Un grand porno ? On s’en fiche. Un grand film ? Va savoir. Une grande expérience de spectateur ? À coup sûr.

 

Bijou de Wakefield Poole, samedi 4 avril à 21h30 au Comœdia, 13 avenue Berthelot-Lyon 7 / 04.26.99.45.00 / www.cinema-comoedia.com
Invitations à gagner en envoyant vos nom et prénom par mail à redaction@heteroclite.org (objet : Bijou).

 

 

C’est l’Hallu

D’abord appelé L’Étrange festival lors de sa création en 2008, le festival Hallucinations collectives est connu sous ce nom depuis 2011 et porté depuis l’origine par l’association Zone Bis (à qui l’on doit également les Séances hallucinées et la Nuit hallucinée…). Chaque année, autour du week-end de Pâques, il propose de découvrir au Comœdia une sélection de films de genre, films bis, films de série B ou Z, films fantastiques ou films rares : dans tous les cas, du cinéma comme on n’en voit pas souvent ailleurs… Outre la carte blanche offerte cette année au réalisateur Christophe Gans (Le Pacte des loups, La Belle et la bête), signalons dans la programmation de cette année un autre film à thématique homo-érotique, projeté le même soir que Bijou : The Duke of Burgundy de Peter Strickland (samedi 4 avril à 19h30), l’histoire d’une relation sado-masochiste entre deux femmes…

Festival Hallucinations collectives, jusqu’au 6 avril / www.hallucinations-collectives.com

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